La tentation du populisme : le précédent argentin


Présidentielle2017
18 avril 2017

Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon incarnent la volonté de tourner le dos au réformisme social-libéral. REUTERS/Charles Platiau

La lâcheté macroéconomique nous a coûté le chômage de masse et la dette. Le populisme nous coûterait la France.

Beaucoup des Français veulent, à l’occasion de élections présidentielles, « retourner la table ». Qu’ils prennent garde tout de même à ce que les débris ne retombent pas sur leurs enfants. Il serait faux de penser que la politique économique ne peut plus rien à l’heure de la mondialisation, ou que la France, encore prospère et à l’économie toujours imposante, serait immunisée contre des choix mortifères. L’histoire regorge d’exemples de pays qui, lors de poussées d’exaspération politiques, ont fait le choix de cette « autre politique » qui depuis longtemps fait fantasmer une partie des Français, mélange d’interventionnisme, de corporatisme et de nationalisme. Parmi les « grands candidats », Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon incarnent cette volonté de tourner le dos au réformisme social-libéral, c’est vrai moins romantique que les emportements anticapitalistes et antidémocratiques (cela va souvent ensemble) de Maduro au Venezuela ou de Morales en Bolivie. Ces populismes ne sont pas nouveaux. Chavez bien entendu mais aussi Allende au Chili ou Peron en Argentine ont appliqué ces politiques dans leurs pays respectifs, ce qui permet d’en tirer le bilan.

La Prétendre que ces politiques mènent rapidement à la ruine serait faux. Économiquement, les populismes agissent plutôt comme de l’alcool. Elles génèrent en sentiment d’euphorie à court terme qui encourage les Gouvernements qui les appliquent à les renforcer. Augmenter les dépenses publiques, dévaluer la monnaie et limiter les importations par une politique protectionnisme donnent toujours un coup de fouet à l’économie, ce qui fait diminuer le chômage et la pauvreté, exactement comme l’excès d’alcool éloigne les tristes pensées ou la cocaïne la fatigue. Hugo Chavez est entré en fonction en 1999. En 10 ans, sa politique, largement aidée, c’est vrai, par la hausse des prix du pétrole, a entrainé une hausse de 50% du PIB par habitant. Nestor Kirchner est entré en fonction en 2003. Sa politique socialiste de relance a vite porté ses fruits, jusqu’à la crise de 2009.

Le problème, c’est que le retournement du cycle et la crise sont aussi contenues dans ces politiques : le protectionnisme affaiblit l’innovation puis la compétitivité ; le déficit budgétaire se transforme en dette ; la relance monétaire devient de l’inflation puis de l’hyperinflation. Les pauvres Vénézuéliens (et plus encore les Vénézuéliens pauvres) en savent quelque chose : le PIB par habitant est revenu à son niveau de 2005, générant une misère sans précédent, des pénuries de nourriture et de médicaments. La situation est un peu meilleure en Argentine, grâce à la politique courageuse du Président Mauricio Macri, qui remet son pays au cœur des échanges commerciaux et financiers mondiaux. Mais les effets délétères du populisme ne s’effacent pas en quelques années. Ainsi l’Argentine, ce pays aux plaines fertiles et au bétail abondant, berceau d’une population hautement éduquée et cultivée, dont on avait pu penser à la fin du 19ème siècle qu’il pouvait emprunter la même voie que l’Amérique du nord, subit encore les errements du Péronisme. De mauvaises réformes ou une absence de réforme se paie d’une faible croissance, d’une perte de pouvoir d’achat et d’une montée du chômage. La France, pays de la lâcheté économique, en sait quelque chose. Mais, avec quelques années de courage politique et populaire, notre pays pourrait être redressé. En revanche, se remettre de choix populistes prend, au mieux, plusieurs décennies. Chacun a le droit de vouloir renverser la table. Mais ceux qui le feront devraient déjà réfléchir à ce qu’ils diront à leurs enfants si la France devient l’Argentine ou le Venezuela.

Article paru dans L’Express du 12 avril 2017