Libérer la formation professionnelle


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21 juin 2016

Depuis bientôt quatre mois, une grande partie des Français se mobilise contre une réforme du marché du travail perçue comme une régression sociale. Pourtant, ce que les manifestants présentent comme « un retour des années en arrière » n’est qu’une timide tentative d’adapter notre droit du travail aux nouvelles réalités économiques.

 

Depuis quelques années, grâce aux progrès de l’économétrie notamment, on comprend bien mieux le fonctionnement du marché du travail. C’est un marché mouvant par nature, sur lequel 10 000 emplois sont chaque jour détruits et autant sont créés. Les économistes s’accordent désormais sur un certain nombre de points : les allègements de charge ont un impact positif sur l’emploi ; en France, le salaire minimum est trop élevé et constitue un obstacle à l’emploi (à la différence des Etats-Unis par exemple) ; un chômeur qui ne cherche pas activement un emploi doit être sanctionné ; les indemnisations chômage doivent être dégressives et surtout, protéger l’emploi ne fait pas baisser le chômage. Les lois « protectrices » ne le sont en réalité pas : elles ne font qu’empêcher le mouvement naturel du marché et freinent les créations d’emploi en même temps qu’elles en freinent les destructions.

Le système de formation continue français est mal adapté pour faire face à la vague d’« hyperdestruction créatrice » qui transforme l’économie et la société.

Pour créer de l’emploi, il faut libérer les entreprises pour permettre à l’économie de s’adapter à un monde qui évolue. Mais comment garantir que les salariés licenciés parfois par dizaines s’adaptent eux aussi à un monde qui évolue et se reconvertissent dans un métier d’avenir ? La réponse réside dans la formation.

Dans une économie en mutation, la formation quel que soit l’âge ou le statut n’est plus un simple droit, c’est une nécessité. Les effets de la formation s’étendent bien au-delà de la seule sphère professionnelle. L’investissement dans le capital humain est le premier levier de compétitivité dans une économie de plus en plus fondée sur la connaissance. C’est aussi un enjeu croissant de soft power, à l’heure où la diplomatie traditionnelle voit son champ d’action se réduire sous l’effet de la mondialisation et des coupes budgétaires. Pour les territoires, une politique de formation bien pilotée est un formidable levier de développement local : elle permet la formation de « clusters » et le développement de filières d’activité qui engagent un cercle vertueux d’attractivité et d’innovation. Enfin, la formation est un enjeu de justice sociale. Elle permet une égalité des chances effective et réduit les inégalités en favorisant des trajectoires professionnelles ascendantes.

Or, le système de formation continue français est mal adapté pour faire face à la vague d’« hyperdestruction créatrice » qui transforme l’économie et la société. Des progrès ont certes été réalisés depuis l’instauration d’un droit à la formation sur temps de travail. Ainsi, le nombre d’adultes ayant suivi une formation n’a jamais été aussi élevé. Mais on est encore loin d’un véritable continuum de la formation pour tous. Le système français souffre essentiellement de trois maux. Premièrement, les adultes ne sont pas tous égaux face la formation. Dans la configuration actuelle, ce sont les plus diplômés, les mieux insérés dans l’emploi et les salariés des grandes entreprises qui en bénéficient le plus.

La libération du marché est pourtant gage de son efficacité

Cet « effet Matthieu » de la formation tient pour partie aux inefficiences de la formation initiale. En effet, les compétences clés comme la motivation, la capacité à apprendre ou la maîtrise des relations sociales s’acquièrent dès les jeunes années et conditionnent les perspectives futures des individus. Deuxièmement, alors que l’autonomie individuelle dans et face à l’emploi s’impose comme la nouvelle norme, l’hypercomplexité administrative et un pilotage centré sur les dispositifs au détriment des bénéficiaires et de leurs réels besoins entravent l’autonomie individuelle en matière de sa formation. Troisièmement et enfin, le marché de la formation est aujourd’hui préempté par des dispositifs administratifs, qui freinent l’innovation et empêchent les organismes d’adapter leur offre aux évolutions de la demande et des technologies. La libération du marché est pourtant gage de son efficacité et c’est aussi une tendance de fond dans la quasi-totalité des pays européens.

La loi du 5 mars 2014 a opéré une avancée significative, mais l’importance croissante des enjeux appelle une réforme plus ambitieuse. Dans leur livre blanc, la Fédération de la Formation Professionnelle et le cabinet Asterès formulent une série de propositions concrètes pour rendre effectif un droit à la formation pour tous, réduire la précarisation des jeunes en généralisant l’alternance, faciliter l’accès à la formation pour les plus vulnérables, encourager l’investissement dans la formation, et adapter la gouvernance du système au XXIe siècle.