Les Echos – La Grèce doit choisir entre le mirage et la raison


14 janvier 2015

Tribune rédigée avec Démosthènes Davvetas, conseiller culturel du Premier ministre grec.

Le débat électoral grec entre l’actuelle coalition au pouvoir, menée par Antonis Samaras, et Syriza, menée par Alexis Tsipras, en reflète un autre éternel : celui entre la raison et les croyances magiques. Mais il ne faut pas croire que les Grecs vont forcément se laisser aller à la facilité. Il existe en Grèce une longue tradition rationaliste qui perdure dans le pays. Aujourd’hui, Syriza devance les partis de gouvernement dans les sondages d’opinion. Mais son avance sur le parti de centre droit Nouvelle Démocratie est très faible. Il reste plusieurs semaines de campagne et, dans ce contexte, le retard de ND est parfaitement rattrapable.

Pour cela, il faut expliquer deux choses aux Grecs. La première est de bien comprendre d’où vient la crise. La Grèce n’a pas souffert d’une crise financière, mais d’une crise de compétitivité. A l’intérieur d’une zone monétaire unique, les déséquilibres de l’économie réelle, s’ils ne sont pas traités, s’accumulent jusqu’à créer des drames financiers. Les entreprises grecques n’avaient donc pas d’autre choix que de réduire leurs coûts pour pouvoir vendre et produire de nouveau. Cet ajustement macroéconomique nécessaire a eu des conséquences sociales dramatiques puisque, dans les faits, il s’est traduit par un triplement du taux de chômage. De même, l’Etat, pour rester solvable, a dû diminuer ses dépenses publiques (elles sont désormais inférieures à 50 % du PIB) et augmenter les recettes fiscales (à quasiment 37 % du PIB, elles sont presque à un plus haut historique). Cette purge a été incroyablement douloureuse, mais toutes les données macroéconomiques montrent que la situation économique et financière de la Grèce est assainie : le secteur public dégage un excédent primaire (la dette est stabilisée), les exportations sont reparties, le PIB par habitant ne recule plus et le chômage diminue. Il serait fou que le peuple grec, après avoir consenti autant d’efforts, renonce à en tirer les bénéfices pour tenter une aventure politique hasardeuse. D’ailleurs, les Grecs ont réalisé suffisamment d’efforts pour pouvoir demander légitimement à la troïka (Union européenne, Banque centrale européenne et FMI) une annulation pure et simple d’une partie de la dette. Encore faut-il, pour qu’elle soit acceptée, que cette demande émane d’un gouvernement crédible.

Et c’est le deuxième point à expliquer au peuple grec. Le programme de Syriza tel qu’il est formulé dans les engagements de Thessalonique est une vaste fumisterie. Les promesses ne manquent pas, puisque c’est facile : gratuité de l’électricité et des transports publics pour les ménages sous le seuil de pauvreté, garantie de logements pour 30.000 familles, paiement d’un 13e mois pour les petites retraites, suppression de l’imposition sur le patrimoine immobilier… Syriza annonce même l’interdiction des licenciements collectifs, mesure dont on est absolument certain qu’elle va faire remonter le chômage, aucun chef d’entreprise grec n’acceptant plus d’embaucher dans ces conditions. Comment financer ce programme ? C’est là que la magie Syriza intervient : par la relance de la croissance, la lutte contre la fraude fiscale et la réorientation des fonds européens. Que n’y avions-nous pas pensé plus tôt si c’est si simple ? Par masochisme ?

Le scrutin grec est central pour l’Europe non pas seulement parce qu’il pourrait poser la question du maintien de la Grèce dans la zone euro, mais parce qu’il oppose ceux qui agissent dans le « cercle de la raison », c’est-à-dire à l’intérieur des contraintes existantes, et ceux qui, le temps d’une campagne électorale, feignent d’échapper à ces contraintes, quitte à trahir les électeurs qui leur accorderont leur confiance. C’est exactement le scénario que pourrait connaître la France dans deux ans, si Marine Le Pen se retrouve au second tour de l’élection présidentielle contre François Hollande, Alain Juppé ou Nicolas Sarkozy. De la raison, exigeante et durable, ou de la magie, facile et mortifère, faisons que ce soit la première qui gagne.

Lire l’article sur le site des Echos.

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