L’avenir de la Grèce est dans la zone euro
Article rédigé par Nicolas Bouzou et publié le 3 août dans le journal grec Elefteros Typos
Depuis 5 ans, les Grecs ont accompli des efforts colossaux pour rester dans la zone euro. Certains, on peut le comprendre, se demandent si le coût de ces sacrifices, par exemple en termes d’augmentation de la pauvreté, ne sont pas supérieurs aux gains que l’on peut attendre du maintien dans la zone euro. En dehors de la Grèce, et en particulier en France, les partis d’extrême-droite et d’extrême gauche soutiennent la sortie de la Grèce de la zone euro pour deux raisons : par solidarité envers le peuple grec qui endurerait des souffrances inutiles ; pour protéger les Européens non grecs de la charge fiscale supplémentaire que le soutien à la Grèce implique. Mon propos ici est de soutenir l’argument inverse : l’économie grecque a été remise sur de bons rails et il serait donc irrationnel pour les Grecs de sortir aujourd’hui de la zone euro. Tous ces efforts auraient été accomplis pour rien.
Fondamentalement, la crise grecque est une crise de compétitivité. Entre l’entrée du pays dans la zone euro et la fin des années 2000, les prix des exportations grecques ont augmenté plus rapidement que les prix européens, débouchant sur une perte cumulative de compétitivité. Cette augmentation des prix n’a pas été compensée par une meilleure qualité des exportations grecques. Quand les pays disposent d’une monnaie nationale, le remède est relativement simple : on dévalue la monnaie, c’est-à-dire qu’on augmente artificiellement le prix des importations et que l’on baisse celui des exportations. Les prix intérieurs augmentent ce qui fait baisser le pouvoir d’achat mais, au final, la croissance et l’emploi finissent par repartir grâce à l’effet dopant de la dévaluation sur les ventes à l’étranger. Dans une zone monétaire unique, cette solution est par construction inexistante. Le retour de la croissance passe par une « dévaluation interne » c’est-à-dire une baisse des coûts de production des entreprises sans l’aide de la dévaluation : il faut baisser les salaires, licencier, travailler davantage. Cette potion est plus qu’amère mais, bien que les opinions publiques, surtout en Europe, aient parfois du mal à le comprendre, en économie il y a des règles que je déconseille de transgresser. Dans une zone monétaire unique, les entreprises doivent rester compétitives sinon la catastrophe est au bout. C’est bien ce qui s’est passé dans les pays d’Europe méditerranéenne et c’est ce qui se profile pour mon pays, la France.
Quand la croissance s’effondre, les recettes fiscales aussi, et la crise des finances publiques vient s’ajouter à la crise économique. D’où la nécessité de faire rentrer les impôts et de diminuer les dépenses publiques pour faire en sorte que l’Etat ne devienne pas totalement insolvable.
Vu de l’extérieur, on est frappé par tout ce que les Grecs, sous l’impulsion de leurs Gouvernements, ont réussi à faire ces dernières années. Les entreprises sont plus compétitives, les règles du marché du travail ont été assouplies et l’Etat a commencé à se réformer. On peut toujours trouver que les choses ne vont pas assez vite mais, en réalité, c’est dans tous les pays démocratiques la même chose et c’est bien normal. Aujourd’hui, le budget primaire de l’Etat (hors paiement des intérêts) est à l’équilibre, la croissance de l’économie grecque est sur le point de repartir et le marché du travail va suivre, à l’image de ce que l’on observe en Espagne. Au fond, les Grecs peuvent se dire que l’économie grecque est en grande partie assainie. Si une grosse partie du travail a été réalisée, il serait irrationnel de vouloir sortir aujourd’hui de la zone euro, avec des conséquences potentielles très difficiles à cerner.
Reste le problème de la dette publique grecque. Ne tournons pas autour du pot. Même si l’on arrive à la stabiliser en proportion du PIB, elle est irremboursable dans sa totalité. Il faut donc après les vacances d’été négocier avec les créanciers de l’Etat grec (pour l’essentiel la BCE, le FMI et les Etats européens) de nouveaux allègements conditionnés à la poursuite des réformes. Il me semble que les Allemands sont prêts à entendre ce discours. Il faut prendre conscience que l’Europe sortira considérablement renforcée du maintien de la Grèce dans la zone euro. Et si c’est vrai pour l’Europe dans son ensemble, c’est aussi vrai pour la nation grecque qui pourra alors envisager l’avenir avec sérénité.
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