Le Figaro Santé – Cancer : le maintien dans l’emploi est-il souhaitable ?


13 septembre 2017

 

Rester actif malgré le diagnostic de cancer serait bénéfique économiquement et socialement, pour le malade, mais également pour son entreprise et l’Assurance maladie.

Lorsqu’un salarié apprend qu’il a un cancer, à la question du traitement médical de sa maladie peuvent s’ajouter des inquiétudes sur l’avenir de son travail. Et malheureusement, ces inquiétudes sont parfois légitimes. Selon Cancer@Work, un club d’entreprises qui milite pour une meilleure intégration de la maladie, la survenue d’un cancer multiplie actuellement par trois la probabilité de se retrouver au chômage pour le salarié «par rapport à une situation sans cancer.»

Pourtant, contre toute attente, l’entreprise, l’Assurance maladie tout comme le salarié auraient intérêt à ce que ce dernier demeure à son poste, que ce soit en tiers-temps, à mi-temps ou en deux-tiers temps. C’est le résultat d’une étude menée par des économistes, sous la direction de Nicolas Bouzou, qui s’intéressent à la situation des 140.000 salariés par an à être diagnostiqués d’un cancer.

Ne pas licencier

 

Selon leur rapport, publié le 5 septembre: «À partir du moment où l’employé atteint d’un cancer peut effectuer au moins un tiers-temps, et même dans l’hypothèse d’une baisse durable de sa productivité, il est plus rentable pour l’entreprise de le conserver à son poste plutôt que de le licencier et de former un nouvel employé». Le licenciement coûterait ainsi 7323 euros à l’entreprise, tandis que cette dernière gagnerait 2 276 euros à partir du moment où le salarié reste en tiers-temps.

«Il est plus rentable pour l’entreprise de conserver le salarié à son poste plutôt que de le licencier et de former un nouvel employé
Rapport «Travailler avec un cancer» de l’association Cancer@work.

Pour le salarié, le maintien dans l’emploi «est financièrement plus confortable que le chômage grâce à l’indemnité compensatoire versée par l’Assurance maladie et qui lui permet de conserver son niveau de revenus pendant un an». Pour les comptes publics c’est également un avantage à partir du moment où le salarié réalise un mi-temps. Selon les calculs des économistes, cela coûte 4577 euros aux finances publiques l’année suivant le diagnostic de garder un salarié en tiers-temps, contre un gain de 106 euros et de 4788 euros respectivement si un mi-temps ou un tiers-temps est aménagé.

De même, lors de la période de traitement (qui dure en moyenne quatre mois, après le diagnostic), il est intéressant économiquement pour les trois parties, selon l’étude de maintenir le salarié en temps partiel, s’il le souhaite. D’après l’Institut national contre le cancer, près de 77% des personnes sous traitement seraient en mesure de travailler.

«Continuer sa vie d’avant»

Au-delà de l’aspect économique, le maintien en emploi est socialement valorisant pour les personnes atteintes de cancer. «Ma conviction est que l’entreprise est le lien social le plus fort avec la famille. Or casser ces liens peut être dommageable pour le salarié», assure Philippe Salle, PDG du groupe Elior et président du club Cancer@work.

Une affirmation à laquelle adhère Zoé Rollin, professeur agréée en sciences sociale et co-auteur de l’ouvrage Sociologie du cancer: «Un salarié qui continue de travailler ne le fait pas uniquement pour des raisons financières, il le fait aussi car le travail que l’on occupe est une dimension forte de notre identité. Garder son emploi, même temporairement, c’est continuer sa vie d’avant, un peu plus longtemps.»

«Garder son emploi, même temporairement, c’est continuer sa vie d’avant, un peu plus longtemps. »
Zoé Rollin, professeur agréée en sciences sociale et co-auteur de l’ouvrage Sociologie du cancer.

«Selon les témoignages que nous avons recueillis, les malades sont les principaux demandeurs de temps aménagés», explique Nicolas Bouzou, économiste, directeur de l’étude et fondateur d’Asterès, qui rappelle qu’en France «le temps partiel existe pour pallier ces situations, mais qu’il est très peu utilisé par les entreprises.»

L’économiste précise tout de même: «Il reste très important que le salarié ait le droit absolu de travailler ou pas, en fonction de comment il se sent physiquement.»

 

Article publié dans Le Figaro du 12 septembre 2017

 

 

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