Europe : ne cédons pas sur nos valeurs


Brexit Europe UE
30 juin 2016

Pour l’Union européenne, le Brexit est avant tout une grande perte. Le Royaume-Uni fait partie de la civilisation européenne et incarne la liberté, la démocratie, la coopération, le libre-échange et la paix. D’ailleurs, souvenons-nous que ce sont le Royaume-Uni, l’Irlande et la Suède qui ont été les plus prestes à ouvrir leur marché du travail aux pays membres récents. Il n’est pas certain que le Brexit soit positif pour le Royaume-Uni non plus. Le référendum laisse un pays incroyablement divisé et menacé de sécession en raison de l’attachement à l’Europe de l’Ecosse et de l’Irlande du Nord. Le pays va connaître plusieurs années d’incertitude économique et politique.

Les responsables européens ont parfaitement raison d’exiger des Britanniques de sortir très rapidement d’une Union qui n’a plus à souffrir des dissensions internes de ce pays. Mais, en même temps, l’Union doit respecter le Royaume-Uni. Le dynamisme de ce pays alimente la demande qui s’adresse aux entreprises européennes, et nos coopérations, notamment dans le domaine militaire, doivent rester intenses. L’Union européenne a également une obligation morale vis-à-vis des Britanniques, très nombreux, qui ont voté pour le « remain ». Et puis n’insultons pas l’avenir : l’UE et le RU doivent développer un « partenariat spécifique » même si les Britanniques ne pourront plus influencer la politique européenne de l’intérieur.

Concernant l’Union elle-même, le départ du Royaume-Uni a de nombreuses conséquences qui apparaissent plus clairement quand on comprend qui gagne et qui perd à ce référendum. Les principaux perdants sont les membres des pays d’Europe de l’Est, qui perdent leur principal allié, notamment dans le domaine de la politique à mener vis-à-vis de la Russie. Symétriquement, la Russie est gagnante et pourrait renouer des liens avec l’Union. Les autres gagnants sont les mouvements populistes de droite et de gauche, notamment les néofascistes slovaques, l’extrême gauche grecque, l’extrême droite polonaise et les nationalistes français et britanniques. Preuve leur a en effet été donnée que l’appartenance à l’Union était réversible. Un autre groupe gagnant est constitué des eurocrates européens, qui, avec le départ des Britanniques, seront soulagés d’avoir perdu un ennemi.

Cela posé, que doit faire l’UE ? D’abord, ses institutions doivent être adaptées pour éviter que l’Union soit le bouc émissaire systématique des gouvernements nationaux, ce qui a des effets délétères sur les opinions publiques. Ensuite, il faut que les pays membres cessent de considérer que l’Union est là pour leur verser de l’argent sans obligations de leur part. Ceux qui reçoivent des aides au développement ou à l’agriculture doivent comprendre qu’il faut qu’ils contribuent également à l’allégement de la dette grecque ou à la sécurisation des frontières européennes. Enfin, l’Union doit assumer sa vocation de promouvoir le commerce, le libre mouvement des personnes, la coopération, l’éducation et la science. En synthèse, ce qu’il faut appliquer, ce sont les valeurs du projet européen. Comment ? Grâce à des institutions réformées qui permettent le principe de subsidiarité, souvent invoqué mais pas souvent respecté. A l’inverse, il serait utile de reléguer au second plan les utopies, comme l’harmonisation fiscale rapide, qui ne peuvent que conduire à des déceptions.

Le Cercle de Bélem :
Fondé en 2015 par les économistes Nicolas Bouzou et Pierre Bentata, le Cercle de Belém est un groupe de réflexion européen, libéral et progressiste. Il réunit des intellectuels européens et vise à enrichir le débat public en donnant une résonance européenne aux enjeux de société.
Stefano Adamo est maître de conférences à l’université de Banja Luka. Pierre Bentata est professeur à l’ESC Troyes et directeur de Rinzen Conseil. Nicolas Bouzou est directeur-fondateur d’Asterès. Eline Van den Broek est directeur de Quid Novi Foundation. Daniel Mahoney est directeur de la recherche économique du Centre for Policy Studies. Josef Montag est professeur d’économie (République Tchèque).

 

Article publié dans Les Echos le 28 juin 2016