Entretien avec EcoSocioConso / "A l’origine on consommait bio parce que c’était bien"
Retrouvez l’entretien sur le site d’Ecosocioconso.
Ecosocioconso : Comment se porte le secteur du bio en France ? Que représente la production et la consommation du bio en France ?
Charles-Antoine Schwerer : Le secteur se porte à merveille. Le bio est un des rares segments de l’économie française qui soit continuellement en croissance. Le chiffre d’affaires de la transformation de produits bios augmente de plus de 10% par an. Les entreprises sont très innovantes (42% ont lancé des nouveaux produits l’an dernier). Depuis 2014, la consommation de produits bio dépasse les 5 milliards €.
Pour simplifier, la filière se décompose entre les agriculteurs, les transformateurs et les distributeurs. Depuis 2005, les terres agricoles bios augmentent en moyenne de 8% par an (moyenne sur 10 ans) quand la consommation augmente de 13% par an. Les entreprises de transformation et de distribution doivent donc répondre à une demande qui augmente plus vite que la production agricole locale. Des tensions apparaissent donc sur l’approvisionnement. La filière connaît une crise de croissance : en grandissant, elle doit s’ouvrir à de nouveaux acteurs et à de nouveaux investisseurs.
Pourquoi les gens consomment du bio ?
CAS : La consommation bio est une consommation de protection : protéger son corps contre les produits chimiques, protéger la planète contre la pollution, protéger les animaux contre l’exploitation, protéger le tissu économique local contre la mondialisation. La bio est donc née comme une contre-culture capitaliste. A l’origine, le bio est clairement fondée comme un rejet de l’agriculture productiviste. On consommait bio parce que c’était « bien ».
Si une part des consommateurs de bio adhère toujours à cette vision du monde, la croissance actuelle du marché bio repose naturellement sur d’autres facteurs. Les produits bios répondent en effet à des attentes classiques. En comparant les produits bios avec leurs concurrents non-bios, le consommateur constate qu’ils ont un meilleur goût et considère qu’ils sont meilleurs pour la santé. Le bio est alors mis en concurrence directe avec le non-bio, et on achète le plus compétitif (sur des critères de goût et de santé). On consomme alors bio parce que c’est « bon ».
Le bio est-il un produit de luxe ou un produit du quotidien pour la majorité des français ?
CAS : Ni l’un ni l’autre, car il existe tout la gamme de prix en bio. Les marques distributeurs se multiplient et démocratisent l’accès au bio. En moyenne, les prix restent plus élevés en bio mais la tendance est à la baisse ces dernières années. La démocratisation de la consommation bio repose aussi sur la multiplication des points de vente. La présence croissante de produits bios dans les grandes surfaces alimentaires (un peu moins de la moitié des ventes de bio en France) facilite aujourd’hui cet accès.
Plus de la moitié des français consomment bio une fois par mois. Le produit bio s’installe donc progressivement dans le champ de consommation des ménages. En se démocratisant, la production bio entre progressivement dans une logique de marché de masse et des tensions apparaissent donc entre les acteurs. Pour certains, il faut continuer à porter des valeurs alternatives. Pour d’autres, il faut produire au meilleur coût un produit qui respecte simplement les normes bio.
Le bio à grande échelle est-il possible ?
CAS : La question de la taille critique du marché bio a fait couler beaucoup d’encre. Pour certains, le tout bio est possible et serait le seul horizon pour une agriculture durable. En termes économiques, le bio a surtout un impact stimulant pour le non-bio. La mise en concurrence par le consommateur incite les producteurs non-bios à se préoccuper plus avant du goût des produits et de la santé du consommateur.
Que le bio soit produit à grande échelle ou non, l’innovation générée par ses acteurs améliore le marché dans son ensemble. Comme les VTC ont incité les taxis à améliorer leur offre, les produits bios incitent l’agroalimentaire classique à améliorer la qualité de ses produits. La grande question n’est pas tant la part du bio que son impact en chaîne sur la qualité de l’alimentation et sur la protection de l’environnement.
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