Économie mondiale : pas de panique


25 septembre 2019

De nombreux économistes nous préviennent : nous serions à l’aube d’un tsunami financier, économique et social à côté duquel la crise de 2008 aura l’air d’une vaguelette. Médiatiquement, ils frappent juste. L’opinion est demandeuse de « collapsologie ». En économie comme en écologie, les thèses de l’effondrement sont réconfortantes : leur démagogie est efficace. Elles valident le fait que les élites (c’est-à-dire les autres) sont incompétentes et nous mènent au bord du gouffre et que le bon sens vaut la compétence et l’expérience. Elles suggèrent que les échecs individuels n’existent pas puisque c’est la Société tout entière qui défaille. Prévoir systématiquement le pire n’est pas glorieux, mais cela assure une petite rente médiatique et financière.

On peut aussi réfléchir et tenter un diagnostic nuancé. Certes, l’économie mondiale est entrée dans un cycle de ralentissement comme le montrent les indices de confiance des industriels, en chute rapide. Seules les économies émergentes résistent à peu près. Dans certains pays, l’industrie est déjà en récession. En Allemagne, l’automobile souffre particulièrement. Premier coupable : le cycle économique lui-même. Les pays développés sont au plein-emploi et les entreprises n’arrivent plus à recruter. Les coûts de production augmentent, notamment aux Etats-Unis où les salaires n’ont pas été aussi dynamiques depuis une dizaine d’années. Deuxième coupable : la montée des tensions protectionnistes. Certes, les taxes américaines à l’importation sont marginales rapportées à la totalité du commerce mondial. Mais on ne sait jamais où s’arrête le protectionnisme, et cela joue sur la confiance et l’investissement. Ces deux coupables propagent du feu auprès d’un baril de poudre : l’endettement (public et privé) qui, dans les pays de l’OCDE, représente maintenant 250% du PIB. Le faible niveau des taux d’intérêt depuis dix ans a incité les agents économiques à s’endetter et a fait monter les prix des actifs (obligations, actions, immobilier) indépendamment de la croissance économique. 

Une crise grave est-elle possible ? Oui, si les taux d’intérêt remontent et passent au-dessus de la croissance de l’activité économique. Une étude récente de la Banque des règlements internationaux est néanmoins venue montrer que les taux d’intérêt sur les marchés obligataires étaient davantage influencés par les banques centrales que par les sous-jacents macroéconomiques comme l’épargne mondiale. L’éventualité d’une hausse brutale des taux d’intérêt n’est donc pas la plus probable car les banques centrales sont sur le qui-vive.

Il est, en outre, difficile de prévoir comment l’économie mondiale réagirait à une crise financière. Le tableau d’ensemble actuel n’a rien à voir avec celui d’une crise classique. Dans beaucoup de pays, dont la France, les profits des entreprises sont élevés. L’investissement passé a, en outre, modernisé les équipements des entreprises. Largement numérisées, robotisées voire équipées en intelligence artificielle (pas assez en France, malheureusement), elles ont la capacité de réaliser des gains de productivité, hélas encore réprimés par une organisation interne et un management ineptes.

Et puis, si jamais cette crise tant crainte devenait réalité, elle n’aurait pas que des effets délétères. Elle ferait décroître les prix de logements, ce qui redistribuerait du patrimoine des plus âgés (souvent propriétaires) vers les plus jeunes (qui aspirent à l’être). Surtout, elle remettrait de l’ordre dans les secteurs les plus innovants. Aujourd’hui, il est difficile pour une startup qui affirme dans son business plan être en pointe dans l’intelligence artificielle ou la blockchain de ne pas lever d’argent. Or en matière d’innovation une crise est toujours un utile révélateur de charlatanerie.

Article publié dans L’Express le 18 septembre 2019