Comment trop d’interventionnisme peut fragiliser le marché du logement : l’exemple suédois


28 septembre 2018

 

Les pays scandinaves sont considérés comme les exemples à suivre dans tous les domaines. C’est souvent vrai, mais dans l’immobilier, c’est faux. Le marché des logements suédois a fait l’objet d’un interventionnisme massif de l’État depuis plus de 50 ans. La combinaison d’un large parc de logements publics et d’un impôt élevé sur les revenus privés a fortement handicapé le marché de la location. Cela a mené à la création d’une bulle immobilière sur le marché de l’achat-vente et à une pénurie de logement pour les populations les plus fragiles.
Un marché de la location dominé par le secteur public

 

Le marché de la location suédois est massivement contrôlé par l’État pour deux raisons :

 

La première prend ses racines dans une politique de 1965. Le nouveau gouvernement socialiste suédois lançait alors le « Le Programme Million » (traduit du suédois Miljonprogrammet) en réponse à l’augmentation drastique de la population urbaine causée par l’exode rural. Il s’agissait de construire un million de nouveaux logements sur 9 ans dans un pays dont la population était alors de 8 millions d’habitants. Le programme a été un succès puisque 1 000 006 habitations ont ainsi été construites. Cette injection d’offre dans le marché du logement a été accompagnée d’investissements massifs du gouvernement qui a récupéré une partie des propriétés déjà construites, ajoutant 650 000 logements à son patrimoine déjà bien fourni. Ces logements sont destinés à la location, avec des loyers variables en fonction de la situation socio-économique de l’occupant.

Le deuxième facteur est la compétitivité de l’État sur le marché de la location. Avec un impôt sur les revenus globaux (incluant la location) de 60% pour la dernière tranche, les acteurs privés étaient en désavantage face au gouvernement qui pouvait se permettre de louer à des tarifs bien inférieurs. Le gouvernement suédois possède aujourd’hui 20% du parc immobilier du pays, contre 10% en France par exemple (on ne parle pas ici que des logements sociaux mais bien de tous les logements possédés et loués par l’État ou des coopératives publiques). Sur le marché de la location, cela représente 50% de l’offre.

 

Une politique publique mal calibrée qui a mené à une pénurie de logements

 

Cette forte représentation du secteur public et la difficulté d’entrer sur le marché en tant qu’acteur privé a mené à une quasi-stagnation du marché de la construction. Ainsi, seulement 21 000 nouveaux logements par an ont été construits entre 1995 et 2010 pour un accroissement de population de 40 000 habitants par an. Il y a donc eu une pénurie de l’offre puisque le parc de logement ne pouvait pas accommoder toutes les nouvelles populations. Les suédois se retrouvaient avec des temps d’attente estimés à 20 ans pour pouvoir prétendre à un logement public. Ceci, couplé à des taux d’intérêts faibles autour des 1,4% a poussé un grand nombre de citoyens à devenir propriétaires malgré eux pour trouver un logement (avec un maximum en 2011 de 70% des suédois propriétaires, retombé à 65% aujourd’hui ). Les prix à l’achat ont presque doublé entre la crise de 2008 et le début de 2018 de et le marché de la construction a repris grâce à cet afflux de demande, avec 31 000 nouveaux logements par an entre 2010 et 2018. C’était cependant trop peu et trop tard.

Les jeunes sont ceux qui souffrent le plus avec 25% des 20-27 ans qui vivent encore chez leurs parents, contre 15% en 1997. De plus, dans les 75% qui vivent seuls, 57% seulement ont une résidence permanente (achetée ou louée), les autres naviguant entre des contrats de court-terme . Au rythme actuel d’octroi des logements publics, il faudrait 50 ans pour fournir à chaque citoyen un logement de long-terme.

Le gouvernement a annoncé en juin un nouveau plan d’infrastructure général de 70 milliards d’euros entre 2018 et 2029, avec comme objectif sur les logements de construire 193 000 nouvelles unités gérées par les municipalités. Il s’agit cependant d’une solution de court-terme, et l’État doit réformer en profondeur ses politiques de logement s’il ne veut pas avoir à faire face à une nouvelle crise d’ici quelques années. Les régulations du marché du logement et l’impôt sur le revenu sont des leviers d’action, mais il ne semble pas y avoir de consensus transpartisan sur le sujet. D’autant qu’avec les résultats de l’extrême droite aux élections législative du 9 septembre (18% des sièges), les réformes de fond risquent d’attendre. Ironiquement, le parti a beaucoup utilisé la crise du logement pour justifier sa politique anti-immigration avec le raisonnement classique du manque de capacité d’accueil du pays, qui doit se concentrer sur le fait de loger les suédois avant d’inviter des étrangers sur son territoire.

 

Édito MeilleurTaux