Brexit: la force fait la désunion


Brexit Theresa May Union Européenne
27 juin 2017

Le 8 juin, quelques minutes avant 22h, Londres bruissait d’une unique question : quelle sera l’ampleur de la majorité de Theresa May ? Une poignée de sièges ou une centaine ? Mais, comme ce fut le cas il y a un an lors de la nuit du Brexit, l’improbable devint progressivement une certitude. Finalement, les conservateurs ont perdu leur majorité et vont devoir s’allier au DUP (Democratic Unionist Party), un parti unioniste nord-irlandais. Ce résultat inattendu est un choc, à la fois pour la politique intérieure du Royaume-Uni et pour le déroulement des négociations du Brexit. Il y a encore quelques semaines, il était acquis de part et d’autre de la Manche que Theresa May sortirait politiquement renforcée de ce scrutin. En conséquence, dans la négociation qui s’ouvrait, le Royaume-Uni devait se trouver en position confortable pour deux raisons. D’une part, ce sont les britanniques qui choisissaient de quitter une Union Européenne qu’ils jugeaient fragile. D’autre part, la Première Ministre devait être porteuse d’une légitimité populaire.

Ces deux raisons sont quasiment inexistantes aujourd’hui. Le Royaume-Uni est divisé et son Gouvernement hétérogène. L’autorité et même la légitimité de Theresa May sont abimées. L’ancien chancelier de l’échiquier Georges Osborne a même qualifié la Première Ministre de « cadavre qui marche ». Pour autant, à court terme, les conservateurs ne disposent d’aucun plan B. Qui pourrait vouloir être Premier Ministre dans ces conditions ? La question politique qui est posée est pourtant bien celle de la survie de Theresa May au poste de chef du Gouvernement. Les conservateurs vont-ils souhaiter placer un nouveau leader au poste de Premier Ministre ? D’autres élections auront-elles lieu en 2018 et même pourquoi pas dès cette année, avec le risque de voir le gauchisme de Jeremy Corbyn gagner ? Côté britannique, il est donc difficile de comprendre comment des négociations de Brexit fermes et cohérentes vont pouvoir être menées.

Quant à l’Union Européenne, elle a été comme réveillée par l’élection d’Emmanuel Macron, l’un des rares chefs d’État du continent dont l’engagement européen ne souffre d’aucune ambigüité, et par les déclarations d’Angela Merkel concernant la nécessité pour l’Union Européenne de ne plus compter sur le soutien des États-Unis et donc de se prendre en main. A Bruxelles, l’ambiance a changé et on rêve à nouveau de projets. Ainsi, la Commission vient de présenter un ambitieux livre blanc proposant la création d’un fond pour financer la défense européenne. Ceci dit, il serait faux de considérer que les désordres politiques britanniques vont profiter à l’Union Européenne. En effet, l’intérêt de l’UE est d’avoir à négocier rapidement un Brexit avec des interlocuteurs capables d’exprimer ce qu’ils souhaitent. La pire des situations, y compris pour l’UE, serait un Brexit qui traine avec des interlocuteurs changeants. Au fond, aucune des deux parties n’a intérêt à la déstabilisation de l’autre. Tant mieux, du point de vue de l’Union Européenne, si le Royaume-Uni redevient capable de mener des négociations rapides de sortie. Tant mieux, du point de vue des Britanniques, si l’UE s’avère être un partenaire uni et ambitieux.

 

Article co-écrit avec Daniel Mahoney, directeur adjoint du Centre for Policy Sudies à Londres et publié dans L’Opinion le 16 juin