Notre Dame de Paris : la politique du patrimoine face au débat Anciens contre Modernes
Le débat politique sur la reconstruction de la flèche et de la charpente de Notre-Dame de Paris est le dernier d’une longue lignée, opposant « Anciens » qui cherchent à conserver le patrimoine et « Modernes » qui cherchent à le faire évoluer. Il fait toujours l’objet de trois composantes : fonctionnelle, architecturale et économique sur lesquelles chaque camp oppose son idéologie. On retrouve les mêmes arguments sur les controverses qui ont entouré la Pyramide du Louvre ou plus lointain encore, la Tour Eiffel. En réalité, comme à chaque fois que ce débat a eu lieu, le sort du monument dépendra plus du climat politique actuel que d’arguments rationnels.
Débat culturel
La première pierre du débat concerne la fonction de la Cathédrale Notre-Dame. Elle était un lieu de culte touristique mais les Modernes proposent de l’adapter aux besoins actuels de la société.
Cela peut par exemple prendre la forme d’un toit végétalisé d’un lieu de rencontre, d’un point de vue sur Paris voire, pour les plus irréalistes, d’un lieu commercial comme un bar.
Les Anciens, à l’inverse, considèrent que Notre-Dame doit être dans la continuité de l’histoire française et assurer sa fonction première de patrimoine, témoin de la culture sur laquelle est fondée la société.
La deuxième pierre est architecturale. Elle concerne la vision du patrimoine et de la politique d’aménagement urbain de manière générale.
Les Modernes considèrent que la ville doit évoluer avec la société. Les mouvements modernistes d’architecture intègrent à des paysages urbains classiques de nouveaux matériaux et de nouvelles formes.
C’est l’argumentation que l’on retrouve derrière la Pyramide du Louvre, la Tour Eiffel et les projets d’une flèche en verre et acier pour Notre-Dame. A l’inverse les Anciens cherchent une cohérence architecturale, souhaitant éviter la rupture entre les œuvres nouvelles et le patrimoine existant.
Enfin, la troisième pierre est la question du coût et de l’allocation des dons. Une construction en verre et en acier coûtera nécessairement moins cher qu’une construction en bois et en pierre de taille (que ce soit initialement ou pour l’entretien). Cela permettrait d’allouer une partie des dons récoltés à d’autres monuments qui en ont aujourd’hui besoin. Rappelons que fin avril la collecte a récupéré plus d’1 milliard € soit trois fois le budget annuel alloué à l’entretien des monuments en France.
Selon les premières estimations, la rénovation pourrait coûter entre 300 millions € et 600 millions € en fonction des matériaux et techniques utilisées.
Il y a donc un argument budgétaire important pour les Modernes qui est contrebalancé par l’argument des Anciens de la valeur du patrimoine : reconstruire un bâtiment avec des matériaux moins nobles réduirait sa valeur patrimoniale et donc son intérêt touristique.
Alors qui a raison ? L’histoire ne détermine pas de vainqueurs clairs, certains projets comme le centre Georges Pompidou attisent encore aujourd’hui des tensions tandis que d’autres comme la Pyramide du Louvres ou la Tour Eiffel font quasiment l’unanimité.
En réalité, les projets architecturaux d’une époque reflètent la couleur du gouvernement en place et les compromis reflètent sa solidité.
D’où la question de l’humilité politique souvent amenée par l’opposition dans le cadre de ces controverses. Beaucoup ont reproché à François Mitterrand ses extravagances architecturales comme un moyen de laisser sa marque. Les mêmes critiques sont aujourd’hui adressées à Emmanuel Macron. Le résultat du concours de la flèche sera un bon indicateur du capital politique du gouvernement actuel.
Article Asterès Etudes & Conseils pour MeilleurTaux