Le moment idéal pour réformer… C’est maintenant !
La plupart des gens ne recherchent pas la vérité. Les psychologues évoquent un « biais de confirmation ». L’opinion publique, dans sa quête d’informations, cherche des arguments qui la confortent politiquement. Ainsi, l’anti-hollandisme restant écrasant dans notre pays, il est difficile d’expliquer que l’économie va mieux sans être inondé par une pluie d’insultes. Pourtant, la croissance se rapproche des 2%, les entreprises ont regagné en compétitivité et l’emploi dans le secteur privé est dynamique. Point d’artifice statistique à chercher dans la reprise du marché du travail. D’un côté, la croissance permet d’éponger une partie du chômage conjoncturel. De l’autre, le CICE, le pacte de responsabilité et la prime à l’embauche pour les PME ont baissé le coût du travail et enrichi la croissance emploi. La part structurelle du chômage commence donc également à refluer. La politique économique menée sous le précédent quinquennat, pour l’essentiel, n’a pas été bonne, mais elle n’est pas non plus toute noire.
Le sous-emploi demeure le principal drame de la France
Il faut différencier le « ça va un peu mieux » du « ça va bien ». La situation macroéconomique française demeure mauvaise, affectée par le poids de la dépense publique et de la fiscalité, le sous-dimensionnement de l’innovation et les règles d’un marché du travail parfaitement organisé pour désinciter les entreprises à recruter plus que le strict minimum. Ainsi, même si tout, dans la politique économique de François Hollande, n’est pas à blâmer, entendre le même François Hollande expliquer doctement « qu’il ne faut pas demander de sacrifices inutiles aux Français » fait frémir à l’idée que le cours de l’histoire aurait pu être différent et le porter à un second mandat. Car, non seulement le sous-emploi demeure le principal drame de la France, mais en outre, c’est bien dans les périodes d’accélération conjoncturelle qu’il convient d’intensifier les réformes.
Les réformes structurelles ont des effets positifs à long terme
Le « timing » optimal des réformes fait l’objet d’une large littérature académique qui nous livre quelques enseignements solides. Les gouvernements ont tendance à réformer sous la contrainte, quand la dégradation de l’économie met en cause la solvabilité de l’État ou l’équilibre social du pays. Cette méthode n’est pourtant pas la bonne. En effet, les réformes structurelles ont des effets positifs à long terme mais elles peuvent peser sur la conjoncture à court terme. Si elle veut retrouver une prospérité durable, la France n’échappera pas à la facilitation des licenciements ou à la baisse du nombre de fonctionnaires. Au moment où elles seront prises, ces mesures déprimeront un peu l’économie. Le moment optimal pour réformer se situe au confluent des éléments suivants : 1/ reprise de la croissance et de l’emploi pour absorber les effets négatifs des réformes à court terme ; 2/ environnement monétaire et financier favorable pour accompagner le mouvement d’amélioration (taux d’intérêt bas) ; 3/ majorité parlementaire et début de mandat pour investir un capital politique qui ne s’est pas encore (trop) érodé. Par extraordinaire, ces trois critères sont réunis aujourd’hui, même si la crédibilité du gouvernement fond à vue d’œil. Cette situation ne se représentera peut-être pas avant des décennies. Si la majorité présidentielle ne lance pas d’ambitieuses réformes, non seulement pour assouplir le marché du travail, mais pour libérer le logement, diminuer la dépense publique, rendre la formation efficace, instaurer davantage de concurrence sectorielle, elle se rendra coupable d’avoir, par lâcheté, loupé une occasion historique. Les Français ne lui en sauront même pas gré. C’est ce que François Hollande, qui a pourtant payé pour le savoir, n’a toujours pas compris. Sauf que, aujourd’hui, l’alternative au pouvoir en place, pour un nombre croissant de Français, ce n’est plus le centre ou la droite mais le couple Le Pen – Mélenchon.
Article publié dans L’Express du 6 septembre 2017