La loi Pacte pourrait être la plus importante du quinquennat


26 septembre 2018

Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire à l’Élysée, le 31 août 2018. afp.com/STEPHANE DE SAKUTIN

 

Au-delà de sa vulgarité, de sa misogynie et de son relativisme, le président Trump adopte parfois des mesures très positives pour son pays. C’est son intuition de chef d’entreprise qui se rappelle à lui. Si la croissance aux États-Unis dépasse en rythme annuel 4%, et s’il n’est pas un magasin, un restaurant, une station-service, qui n’arbore une pancarte « now hiring » (« on embauche ! »), c’est en partie grâce à sa politique.
Ce ne sont évidemment pas les nouveaux accords commerciaux négociés à la hussarde qui expliquent la bonne tenue de l’économie américaine. La réforme fiscale, qui a injecté dans l’économie 2% du PIB, a en revanche clairement eu un impact sur la conjoncture. Mais attention : en gonflant les primes et les bonus distribués aux Américains, les baisses d’impôts soutiennent une consommation qui accroît le déficit commercial et pousse Trump à être encore plus protectionniste.
Au-delà de ces mesures visibles, il est un aspect de la politique de Trump qui n’a pas encore fait l’objet d’évaluations précises, d’une part parce qu’il est trop tôt, d’autre part parce qu’elle est moins spectaculaire : c’est sa politique de déréglementation. Trump a utilisé une brèche juridique qui lui permet de supprimer facilement des lois dites « tueuses d’emplois » qui n’ont pas été publiées au Journal Officiel (une pratique courante outre-Atlantique) ou l’ont été récemment.
Ainsi, l’actuel président a effacé la frénésie réglementaire qui avait marqué la fin du mandat Obama, ce qui a considérablement élargi les possibilités des entreprises américaines. Parfois pour le pire : quand il s’agit de permettre aux entreprises de produire n’importe comment sans égard pour les émissions de CO2. Parfois pour le meilleur : quand il s’agit de donner davantage d’autonomie pédagogique aux établissements scolaires.
Quoi qu’il en soit, ces déréglementations discrètes mais passives vont accroître la concurrence, la productivité et augmenter la croissance économique structurelle des États-Unis. C’est, en France, la logique qui anime la loi Pacte, portée par Bruno Lemaire, et actuellement discutée au Parlement. Comparer la loi Pacte et les dérèglementations Trump peut sembler outrancier. C’est vrai, la loi Pacte ne risque (heureusement) pas d’abimer l’environnement. Pour protéger nos écosystèmes, elle modifie même l’objet social de l’entreprise ce qui est une mauvaise réponse à une bonne question.
Mais, en dehors de cette bizarrerie, ce projet de loi lève des contraintes qui, des seuils sociaux à la gestion de l’épargne-retraite en passant par la transmission et le droit des faillites, depuis trente ans, ont empêché nos entreprises de croître. Pour simplifier, les vieilles entreprises françaises sont très grandes, les jeunes sont très petites. L’économie française est constituée d’enfants et de vieilles dames. Les entreprises adultes nées en France vivent ailleurs, au Royaume-Uni, aux États-Unis et de plus en plus en Chine. C’est une catastrophe pour nos emplois et nos exportations.
Le problème de la loi Pacte, c’est que, comme la politique globale de ce gouvernement, elle est sous-calibrée. La direction du Trésor en a évalué les effets à long terme. L’allègement du coût du travail induit par le relèvement des seuils sociaux, la suppression du forfait social (qui frappe l’intéressement) dans les PME et la réforme des procédures de restructuration apporteraient 1 point de PIB. C’est peu. Aussi, je lance un message aux parlementaires de la majorité : montrez que vous n’êtes pas des godillots et que vous comprenez l’économie ! Emparez-vous de cette loi, donnez-lui un caractère beaucoup plus libéral et audacieux pour qu’elle puisse vraiment élever la productivité de l’économie française. Vous avez une occasion en or de montrer que votre action peut être décisive !

 

Article publié dans L’Express le 19 septembre 2018