Il faut révolutionner la rémunération des politiques !
Dans les années 1960, l’école des choix publics a bouleversé la théorie économique. Depuis, le personnel politique et les fonctionnaires ne sont plus seulement théorisés comme poursuivant l’intérêt général mais plutôt leur intérêt personnel. Evidemment l’intégralité de la classe politique n’est pas dénuée d’altruisme ou de sens du service. Les concepts économiques ne prétendent pas décrire parfaitement la réalité mais offrir des outils d’analyse qui s’en approchent. Admettons qu’il est plus réaliste de postuler que les élus et gouvernants poursuivent leur intérêt personnel plutôt que l’intérêt général.
Dès lors qu’un acteur poursuit son intérêt personnel, étudier son comportement signifie s’intéresser aux mécanismes d’incitation à l’œuvre. La principale incitation qui pèse sur nos élus et gouvernants est l’élection. Or l’incitation élective porte deux écueils : l’action de court terme (les échéances électorales étant rapprochées) et les logiques partisanes (les élus ayant des groupes d’électeurs à satisfaire plus que d’autres). Le mythe rousseauiste, sur lequel est encore partiellement fondé notre contrat social, postule que le représentant du peuple agira en suivant l’intérêt général et non en sommant les intérêts particuliers. Malheureusement, l’élection ne l’y incite que trop peu.
L’élection reste évidemment le fondement de notre système politique et la démocratie constitue un bien en soi en plus de porter nombre d’avantages économiques (la démocratie stabilise la croissance et favorise la confiance entre les acteurs). Pour autant, afin d’inciter les élus et gouvernants à agir selon des critères de long terme et d’intérêt général, il convient de compléter le système politique actuel avec de nouvelles incitations. Dans les années 70, les actionnaires des entreprises américaines, voulant aligner les intérêts des dirigeants sur les leurs (le cours de Bourse), ont trouvé la parade : rémunérer les dirigeants en actions. Nombreux sont les salariés dont les revenus sont indexés sur la performance, alors pourquoi pas les politiques ?
Instituer une rémunération variable et à terme permettrait d’aligner (partiellement) l’intérêt des dirigeants sur un indicateur de l’intérêt général. La classe politique serait alors incitée à agir sur le long terme et à ne pas supprimer des réformes utiles réalisées par les majorités précédentes (puisqu’ils en profiteraient aussi financièrement). Le choix de la variable en question devient alors clef pour minimiser les effets pervers. L’intérêt général n’est pas la poursuite de la croissance et le PIB apparaît comme une variable trop restreinte. L’IDH, développé par la Banque Mondiale dépend de trop peu de critères (espérance de vie, taux de scolarisation et niveau de vie). Les travaux de Fitoussi, Sen et Stiglitz, sous la mandature du précédent Président, ont ébauché un indicateur synthétique et complet de l’état de bien-être d’une société. Leur conclusion renvoi la balle dans le champ politique afin de sélectionner les sujets prioritaires (éducation, santé, richesse, sécurité, etc.) et d’équilibrer leur indice.
Pour réformer la politique, il faut donc passer par la politique. Instituer une nouvelle boussole de l’action politique, un nouvel indicateur, apparaît alors comme un acte fondateur, à réaliser par-delà les choix quotidiens en recréant un moment démocratique (référendum, consultation participative). Une fois instituée la boussole, il conviendra d’indexer les rémunérations des élus sur cette dernière. Pour rationnaliser (enfin) l’action publique, instituons un indice de bien-être et des primes politiques !