Alerte éco – L'inflation est nulle car la croissance économique est nulle
Fin février 2015 l’indice des prix à la consommation baisse de 0,3% sur un an.
– Par rapport à janvier, les prix augmentent de 0,7%, sous l’effet d’un rebond des prix des produits manufacturés au sortir des soldes et de la hausse des prix de certains services pendant les vacances scolaires. Sur un mois les prix des produits pétroliers rebondissent de 2,0% (mais restent en baisse de 5,1% sur un an).
– L’inflation sous-jacente, qui mesure l’évolution des prix par-delà les produits les plus volatils, est de 0,1% sur un an. Le diagnostic est clair : les prix ont légèrement rebondi en février pour des raisons saisonnières mais l’inflation mesurée est négative sur un an quand l’inflation sous-jacente est proche de zéro. En un mot, les prix stagnent.
La faiblesse de l’inflation sous-jacente s’explique principalement par un facteur conjoncturel, l’atonie de l’activité, étayé par des causes structurelles, la régulation macro prudentielle et l’innovation technologique.
– La première cause de la faiblesse de l’inflation est l’atonie de l’activité économique. En 2014, la croissance du PIB s’est péniblement élevée à 0,4% quand nos prévisions tablent sur 1% pour 2015. L’activité économique stimule le crédit et donc la création de monnaie et la hausse des prix. Inversement, atonie de l’activité implique atonie de l’inflation.
– La faible augmentation des prix est accentuée par deux aspects structurels de long-terme. La nouvelle régulation macro prudentielle, Bâle III, entre progressivement en vigueur et limite fortement la capacité de prêts des banques. Automatiquement, la création monétaire en souffre. L’innovation technologique, quotidienne dans l’informatique et ses avatars, implique une baisse du prix des produits à qualité constante. La vague d’innovation de rupture qui commence à émerger (sous l’effet des NBIC : nanotechnologies, biotechnologies, internet et cognitives c’est-à-dire intelligence artificielle) va devenir dans les prochaines années un puissant vecteur déflationniste.
La politique de quantitative easing lancée cette semaine par la BCE tente de répondre à la faible propension des banques à octroyer des crédits.
– Le quantitative easing augmente les liquidités disponibles pour les banques, les incitant à prêter. Seulement, la faiblesse des taux (principal taux directeur de la BCE à 0,05%) et les politiques monétaires non-conventionnelles (opérations de LTRO) ont déjà fait abonder les liquidités. Le faible dynamisme des prix repose sur les causes évoquées plus haut : atonie de l’activité, régulation macro prudentielle et innovation technologique.
– La baisse du cours de l’euro et la baisse des prix du pétrole (d’où une baisse des coûts de production et des gains de pouvoir d’achat) auront un impact clef sur l’activité et donc en second temps sur l’inflation sous-jacente. La baisse des cours de l’euro a aussi un impact inflationniste direct : les produits libellés en devises étrangères coûtent plus chers. Parallèlement, le plan d’investissement européen de Jean-Claude Juncker est destiné à relancer la demande globale en zone euro.
– L’entrée en déflation, la continuité dans une logique de stagnation des prix ou la reprise de l’inflation dépendra avant tout de la reprise ou non de l’activité économique.
Poussons une hypothèse : celle d’une stagnation économique continue qui ferait entrer le pays en déflation. La déflation est traditionnellement présentée comme une menace pesant sur la consommation. De fait, l’impact des prix sur la consommation dépend de l’articulation entre évolution des prix et évolution des salaires.
– Dans une étude fondée sur l’Etat du Michigan, les économistes Bachemann, Berg et Sims montrent qu’une anticipation d’inflation de 1% implique un recul de la consommation de 0,5%. Quand l’intuition considère que les ménages vont consommer en prévision de la hausse des prix, nos chercheurs démontrent l’inverse. Pourquoi ? Par ce que ces mêmes ménages anticipent une hausse supérieure de leurs salaires.
– Le lien déflation – consommation suit un processus identique. La spirale prix – consommation dépend de l’évolution des salaires. Aux Etats-Unis, les salaires sont globalement flexibles, une baisse des prix entraînera une baisse des revenus des travailleurs, et inversement. En France, les salaires varient peu car le salaire minimum est fixé, la flexibilité salariale est loin d’être la norme et les employés changent peu d’entreprises.
– Quel impact en cas de déflation aigue en France ? La faible flexibilité des salaires français à la baisse a un triple impact en cas de déflation marquée : un recul de la consommation, une hausse du chômage et une baisse des marges des entreprises. Anticipant que les prix vont baisser quand leur salaire restera relativement stable, les ménages peuvent tabler sur une hausse de leur pouvoir d’achat et donc repousser leurs achats conséquents (de type logement ou automobile). La spirale néfaste déflation – baisse de la consommation est enclenchée. Les entreprises voient leurs prix de vente baisser mais peinent à réduire les salaires de leurs employées, elles doivent donc débaucher ou réduire leurs marges.
L’inflation sous-jacente annuelle est nulle en février. La politique de la BCE couplée à la baisse de l’euro et des cours du pétrole font espérer une reprise de l’activité. Nous sommes loin d’une déflation forte et marquée. Cependant, si elle advenait dans les prochains mois, un autre thème arriverait automatiquement : comment faire baisser les salaires pour éviter que la déflation ne se transforme en dégradation de la compétitivité des entreprises ? Le choix est dur : pouvoir d’achat des salariés ou marges des entreprises. Les frondeurs du PS auront probablement leur mot à dire.
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