Paralysie de la gare Montparnasse: «La SNCF est gravement fautive»


14 août 2017

TRIBUNE – Informer les voyageurs bloqués dans cette gare de la capitale s’est révélé le cadet des soucis de l’entreprise publique

Des gens attendent à la gare Montparnasse à Paris, le 30 juillet 2017, alors que le trafic est interrompu pour des raisons techniques. crédits photo : JACQUES DEMARTHON/AFP

 

Les déboires des passagers bloqués gare Montparnasse fin juillet auront au moins eu le mérite de faire avancer la pédagogie économique dans notre pays, en tous cas on l’espère.
Plusieurs enseignements peuvent être tirés de ce désastre.

 

Déjà, cette panne devrait sérieusement faire douter ceux qui voient dans le colbertisme à la française l’alpha et l’oméga de la politique industrielle. Ce n’est pas être pas inutile dans une période où l’intervention de l’État dans les entreprises semble malheureusement trouver une nouvelle jeunesse qui s’est encore traduite il y a quelques jours par la nationalisation (rien que ça) temporaire (ouf) des chantiers navals STX pour faire pression sur nos partenaires italiens. Que l’État prenne ses airs de grand négociateur peut légitimement amuser ou affoler. On nous rebat les oreilles de l’État-stratège, de la vision de long terme, de la continuité du service public et de la protection de l’intérêt général. Et voilà qu’une entreprise, totalement détenue par l’État, en situation de monopole sur le trafic des passagers, avec des salariés protégés par un statut dont on pourrait naïvement penser qu’il a comme contrepartie une capacité d’intervention éclair en période de crise, nous gratifie d’une catastrophe industrielle assortie d’une communication qui s’est souciée de l’information des passagers comme d’une queue de cerise. Il est un peu inquiétant que, au moment où Google, Amazon, Facebook, Tesla… sont en train de changer l’économie mondiale à une vitesse sans précédent, notamment en mettant l’accent sur l’expérience clients, la SCNF communique comme un service public des années 1980. Sur ces sujets microéconomiques, l’idéologie ne vaut rien et l’interventionnisme étatique, voire la propriété publique, peuvent se justifier, temporairement pour sauver une entreprise, durablement dans des secteurs naturellement oligopolistiques comme le transport ferroviaire. Mais faire de l’État, par principe, le garant de la qualité en dernier recours et de l’intérêt général par opposition à un secteur privé toujours suspect a de quoi faire sourire.

Ensuite, la panne du début de semaine interroge sur la direction des investissements consentis dans le ferroviaire ces dernières années. En effet, le problème est venu d’un « défaut d’isolement dans le poste de commande électrique de la signalisation de Vanves », en raison de « l’extension de cet équipement dans le cadre des nouvelles LGV ». Pendant plusieurs décennies, la stratégie française dans les infrastructures de transport a consisté à privilégier les liaisons entre les grandes villes, en faisant passer au second plan les transports intra-urbains. Pour être honnête, la SNCF n’a aucune responsabilité dans cette politique qui a été décidée par l’État. Ce choix a pu se comprendre à une période où la décentralisation commandait de faciliter les déplacements entre Paris et les grandes villes. Mais, aujourd’hui, à l’exception de quelques zones en Bretagne ou dans le Sud-Ouest, il est très facile de se déplacer sur le territoire français. A cet égard, dépenser des milliards d’euros pour gagner 45 minutes sur certaines liaisons accroît le bien-être des Rennais ou des Bordelais mais n’aura strictement aucun impact économique, si ce n’est celui d’augmenter la dette publique… et de causer des problèmes techniques. En réalité, il eut mieux valu investir massivement sur les transports franciliens dont la vétusté pèse sur l’attractivité de la région capitale et, par effet d’entraînement, sur la vitalité française. Ce discours ne sera pas populaire en province mais il est parfaitement étayé par l’analyse économique et les études empiriques. Nos territoires ont besoin de plus de décentralisation et d’autonomie, pas d’une politique d’infrastructure démagogique. A ce titre, le Grand Paris est une urgence nationale. Le Président de la République a annoncé que la politique de transports se concentrerait désormais sur la mobilité intra-urbaine. Les ressources publiques étant limitées, il a mille fois raison.

La crise du début de semaine a dû excéder ceux qui l’ont vécu. Puisse-t-elle au moins servir à quelque chose : que l’on cesse de déifier l’État actionnaire, que l’on rationalise nos investissements publics, et que l’on comprenne bien que la mutation technologique et économique n’épargnera pas les monopoles publics.

 

Tribune publiée sur FigaroVox le 3 août 2017