Trois réformes à engager d’urgence
La France est punie par là où elle a péché. D’une part, elle paie une incapacité à régler des problèmes d’emplois et de fiscalité qui, sur le papier, ne sont pas insurmontables. Ce ne sont pas les solutions qui manquent mais la lucidité et le courage. D’autre part, notre pays souffre d’une impréparation des réformes. Nous avons été quelques-uns à le dire et le répéter pendant la campagne présidentielle de 2017 : un programme doit être complet et détaillé sinon le mandat sombre dans le désordre et le chaos. Pour notre malheur, les candidats aux programmes les plus sérieux ont été renvoyés chez eux (pour qu’on comprenne « d’où je parle », j’avais soutenu Alain Juppé à la primaire de la droite). Proposer une exonération de la taxe d’habitation pour 80% des ménages était surtout un slogan politique, ce que l’exécutif paie aujourd’hui au prix fort. Évidemment, notre fiscalité locale est inefficace et injuste. C’est justement pourquoi la réformer demande un travail en amont méticuleux, articulé avec une vision de la décentralisation. La loi sur le Reste à charge zéro dans l’optique va aussi décevoir les Français quand ils vont se rendre compte que, pour la plupart d’entre eux, ce reste à charge va augmenter.
Cela-dit, on ne refera pas le passé. Comment sortir de ce climat révolutionnaire qui va malheureusement si bien à la France ? La deuxième partie du quinquennat doit être consacrée à trois sujets. Premier sujet : celui de la fiscalité évidemment. Le ras le bol fiscal est justifié et il est puérile d’opposer les catégories les unes aux autres. Tout le monde paie énormément de prélèvements obligatoires dans notre pays, pour une qualité de services publics qui est bonne mais pas excellente. Gerald Darmanin doit donc accélérer la mise en œuvre du plan des départ volontaire dans la fonction publique et mettre en œuvre une ambitieuse politique d’externalisation de « l’administration de l’administration » (ce qui suscitera grèves et résistances mais au point où ou nous en sommes…). Seule cette baisse de dépense publique permettra de diminuer les impôts sur les ménages. Il serait absurde de diminuer la TVA et la CSG qui sont nos meilleurs impôts, c’est-dire ceux qui rapportent le plus en abîmant le moins l’économie. C’est donc l’allègement de l’impôt sur le revenu qui doit primer. Pour les ménages les plus fragiles, je propose une revalorisation sensible de la prime d’activité et des crédits d’impôts destinés à réaliser des économies d’énergie.
Deuxième sujet : celui du chômage. Les ordonnances Pénicaud sont excellentes mais il faut maintenant des résultats. La réforme de l’assurance-chômage doit servir à cela. Les demandeurs d’emplois doivent être formés dès leur premier jour de chômage et non pas au bout de six mois. C’est aujourd’hui que les entreprises ont besoin de main d’œuvre. Une dégressivité de l’indemnisation doit être introduite au bout de douze mois.
Enfin, la majorité doit annoncer un nouvel acte de décentralisation. Notre pays crève de sa centralisation parisienne et des enchevêtrements de responsabilités au niveau local. Dès 1968, dans son discours du 24 mars à la foire de Lyon, Le Général de Gaulle avait porté cette analyse dont la pertinence est aujourd’hui totale : « L’effort multiséculaire de centralisation, qui lui fut longtemps nécessaire [à la France] pour réaliser et maintenir son unité malgré les divergences des provinces qui lui étaient successivement rattachées, ne s’impose plus désormais. Au contraire, ce sont les activités régionales qui apparaissent comme les ressorts de sa puissance économique de demain. […] Tandis que notre unité profonde est, désormais, bien assurée, la transformation qui tend à mieux répartir toutes nos activités sur toutes les terres de notre peuple avive, du même coup, toutes les sources de notre existence. »
Article publié dans L’Express le 12 décembre 2018