Réforme des retraites : «Si mes cotisations augmentent, je ne pourrai pas continuer»
Infirmière libérale à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne), Peggy d’Haier envisage de changer de métier si ses cotisations augmentent et prédit une «mise à mort» de son métier.
Elle ne quitte pas des yeux son téléphone portable, posé sur la table face à elle. « Il peut sonner d’un moment à l’autre », soupire-t-elle. Il est 20 heures passé. L’air las, Peggy d’Haier, infirmière libérale, dont le cabinet est basé dans la banlieue sud, à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne), vient de finir sa tournée mais ses pensées ne quittent pas son dernier patient du jour, en fin de vie, qui peut l’appeler à la rescousse à tout moment. Ce quotidien difficile, « écrasé de travail », dit-elle, au service des patients, Peggy l’a choisi et le dépeint dans un blog.
Mais aujourd’hui, tandis que la réforme des retraites qui se profile pourrait faire baisser de 7 % son bénéfice annuel d’après une étude menée par le cabinet Asterès, l’infirmière de 49 ans s’interroge. « J’ai voulu être infirmière libérale après plusieurs années passées en hôpital car j’aimais le contact avec les gens, j’avais besoin d’exercer ce métier à ma façon. J’ai réussi à y trouver un équilibre grâce à mon associé. Demain, je vais réfléchir sérieusement à cesser cette activité », confie la mère de trois enfants.
«Une aggravation de la carence dans les déserts médicaux»
Peggy est inquiète. Elle a fait ses comptes. Elle qui estime travailler parfois jusqu’à quatorze heures par jour, dimanche et jours fériés compris, à raison de 35 à 40 visites quotidiennes assure engranger un chiffre d’affaires annuel avoisinant les 40 000 euros brut (soit 3 300 euros mensuels). « Près de la moitié est consacrée aux charges, constate-t-elle. Demain, avec cette réforme, mes cotisations retraite vont augmenter et ce ne sera plus 48 % mais 62 % de mon chiffre d’affaires qui partira chaque mois dans les charges. Je ne pourrai pas continuer », s’alarme-t-elle.
« Quelles professions seraient capables de supporter une taxation supérieure à 60 % », interroge-t-elle dans une lettre ouverte partagée 150 000 fois qu’elle a publiée sur Facebook le 19 septembre. Trois jours auparavant, Peggy était descendue dans la rue pour défendre son régime autonome de retraites, la Carpimko, crée en 1948. « Ce projet Delevoye constitue l’annonce d’une mise à mort de nombreux cabinets libéraux aux revenus moyens […]. Les fermetures entraîneront une aggravation de la carence d’offre médicale dans les déserts médicaux », dénonce celle qui s’annonce prête à se mobiliser à nouveau.
« Nous, infirmières, nous ne sommes pas des nanties. Nos tarifs sont conventionnés. Une toilette complète est plafonnée à 7,95 euros bruts ! », s’agace Peggy. Selon elle, c’est le « système de soins français dans son ensemble qui risque de s’effondrer » dans le sillage de la réforme. « A moins que les infirmiers se mettent à pratiquer des honoraires libres, mais qui fera alors appel à nous ?
Par Bérangère Lepetit pour Le Parisien
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