Le progrès n’est pas une chimère
Des attentats de Londres à la bataille de Mossoul, des menaces d’Erdogan aux outrances de Trump, du chômage français au réchauffement climatique, c’est à croire que le monde n’a jamais été aussi dangereux qu’aujourd’hui. Une jeune mère me demandait récemment : quel monde allons-nous laisser à nos enfants ?
La situation du monde est bien plus favorable que ce que pense la vox populi
Qu’elle se rassure ! Car le monde, à bien des égards, n’a jamais été aussi accueillant qu’aujourd’hui. C’est en tous cas ce que montrent les statistiques de chercheurs, comme Max Roser à Oxford ou Steven Pinker à Harvard, et d’essayistes comme le suédois Johan Norberg, qui tentent de rendre objective la situation contemporaine, en fabriquant des séries chiffrées de long terme sur l’économie, la santé, l’environnement, la sécurité ou la liberté. Sur tous ces sujets, la situation du monde est bien plus favorable que ce que pense la vox populi. Par exemple, moins de 10% de l’humanité vit avec moins de 2 dollars par jour contre près de 50% au début des années 1980. 50% de la population mondiale souffrait de malnutrition en 1950 contre 10% aujourd’hui. Plus de 90% a désormais accès à l’eau potable. L’espérance de vie mondiale dépasse 70 ans et augmente particulièrement rapidement dans les pays les moins riches. Le revue médicale The Lancet soulignait il y a quelques semaines qu’elle atteindrait dans de nombreux pays développés 90 ans pour les femmes dès 2030. 90% des humains était illettrés au début du 19ème siècle contre 10% maintenant. Le réchauffement climatique demeure un immense problème mais les émissions de CO2 n’augmentent plus depuis 2015, malgré la croissance économique mondiale, grâce aux efforts de la Chine et des Etats-Unis. 10% des enfants sont encore au travail, ce qui est une honte pour l’humanité mais ils étaient près de 30% juste après la guerre. En 1900, aucun pays n’autorisait les femmes à voter. Il aura fallu attendre 1976 pour que les Britanniques dépénalisent l’homosexualité. Une grosse dizaine de pays dans le monde ont déjà légalisé le mariage homosexuel. Le taux d’homicides en Europe n’a jamais été aussi faible qu’aujourd’hui et le nombre victimes du terrorisme en Europe de l’Ouest reste bien inférieur à ce qu’il était dans les années 60 et 70. A l’échelle mondiale, le progrès, lié à conjonction de la démocratie et du capitalisme, que les obscurantistes d’extrême-droite et d’extrême-gauche voudraient remettre en cause, n’est pas une chimère mais une réalité.
Les Français confondent l’état de leur pays et celui du monde
La plupart des Français ne perçoivent pas le monde de cette façon, pour trois raisons. Déjà, l’espèce humaine est âgée de plusieurs millions d’années mais elle vit dans un monde relativement prospère, libre et sûr depuis quelques décennies. L’évolution darwinienne a fait de nous des êtres craintifs, enclins à se protéger et à se défendre à tout bout de champ. Ensuite, les médias mettent l’accent sur les événements anxiogènes et géographiquement proches car ils font facilement l’objet d’un story-telling spectaculaire et parce qu’ils intéressent davantage le public. Enfin, les Français confondent l’état de leur pays et celui du monde. Ils considèrent leurs problèmes comme étant universels sans voir que, ailleurs, ils ont été réglés. Ainsi en est-il du chômage, qui frappe quasiment 10% de la population active française mais 5,8% de la population active mondiale et 6,3% de celles des pays riches. Les Français se complaisent avec masochisme dans l’observation passive des problèmes en refusant de voir que des solutions existent et que notre pays, en quelques années, dans des domaines comme ceux de l’emploi, de la fiscalité ou de l’éducation, pourrait assez facilement en tirer de grands bénéfices.
Article paru dans l’Express du 29 mars 2017