Populismes, un bilan économique peu glorieux


11 septembre 2019

Frauke Petry (AfD) Marine Le Pen (FN), Matteo Salvino (Lega Nord) Geert Wilders (PVV) et les membres du groupe Europe des nations et des libertés du Parlement européen réunis à Coblence le 21/01/2017• Crédits : Roberto Pfeil – AFP

En économie, le populisme se définit par son nationalisme : nos problèmes viennent des autres, jamais de nous-mêmes. Les autres, ce sont les immigrés, les concurrents étrangers, l’Union européenne, les riches (au mode de vie mondialisé). Donald Trump est obsédé par la Chine. Nigel Farage et Boris Johnson ont mis les malheurs du Royaume-Uni sur le dos de l’Union européenne. Alexis Tsipras a remporté les élections grecques de 2015 en promettant de se débarrasser de la sujétion à la « troïka » (Commission européenne, BCE et FMI), ce qui avait à l’époque plongé Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon dans un état extatique. Quant à Nicolas Maduro, il explique sans rire que l’inflation au Venezuela (plusieurs millions de pourcents en 2019, tout de même) est due à un complot américain. Cette « autre politique » s’appuie sur un triple refus du libre-échange, du multilatéralisme (ou des règles de l’UE), de la maîtrise des comptes publics (et souvent de l’indépendance des banques centrales). Mais, pour l’heure, ces choix n’ont pas bénéficié aux populations des pays en question.

Aux Etats-Unis, la stratégie protectionniste de Trump s’avère être un échec sur tous les tableaux. Son objectif est de réindustrialiser le pays dans les secteurs d’activité traditionnels, comme les matières premières ou l’automobile, en s’appuyant pour l’essentiel sur une stratégie de hausse des droits de douane vis à vis de la Chine. Dès le 1er septembre, la quasi-totalité des produits chinois seront taxé de 15 à 30%, ce qui va représenter une nouvelle ponction de pouvoir d’achat pour les Américains sans effet bénéfique sur l’industrie. Les statistiques commerciales nationales font déjà apparaître un boom des importations en provenance d’Asie, du Vietnam en particulier. Les populistes se croient au XIXe siècle. Ils n’ont pas compris que les chaînes de valeur sont déployées sur une base globale et qu’il n’est plus envisageable de revenir au localisme d’antan.

Évidemment, il n’est pas possible d’évaluer l’impact d’un Brexit qui n’a pas encore eu lieu. Certes, les supplications de Boris Johnson auprès de Donald Trump pour que les Américains laissent entrer sur leur marché des jarrets d’agneau britanniques rendent encore plus étrange le masochisme qui consiste à quitter l’Union européenne pour aller quémander des accords outre-Atlantique. Trois choses sont néanmoins certaines. Premièrement, un no deal sera mauvais pour l’activité et l’emploi britanniques comme pour les pays membres. Du jour au lendemain, des pêcheurs européens ne pourront plus travailler dans les eaux du Royaume-Uni et vice-versa. Deuxièmement, ce choc négatif sera beaucoup plus fort pour un pays de 66 millions d’habitants que pour un ensemble de plus de 500 millions d’habitants. Troisièmement, les incertitudes liées au dénouement du Brexit ont déjà eu un impact sensible sur l’économie britannique. Depuis le référendum de 2016, la croissance est inférieure à celle de la zone euro et, depuis 2018, l’investissement des entreprises recule.

La politique keynésienne menée par l’alliance au pouvoir en Italie n’a, de son côté, pas fait de miracles. Le pays ne sort pas de la récession depuis un an. Au fond, le seul dirigeant « populiste » qui aura mené une politique positive pour son pays a été Alexis Tsipras. La croissance grecque est forte, le chômage baissez et le pays lève de la dette sur les marchés financiers. Tsipras a mené avec courage une politique pragmatique qui a consisté à satisfaire les créanciers du pays en essayant de limiter le coût social de l’austérité pour ses habitants. Mais, du point de vue de la doctrine, cette politique a été celle d’une social-démocratie raisonnable, en trahison totale avec l’esprit des campagnes électorales de Syrisa. Tsipras se présentait comme un Chavez. Il a été Rocard.

Article publié dans L’Express du 4 septembre 2019