L’État exhorte les Français à la mobilité et l’empêche par sa politique des transports
Chacun a pu noter les déboires à répétition de la SNCF. La séduisante stratégie de l’entreprise, qui consiste à proposer une offre de mobilité intégrée aux voyageurs, contraste cruellement avec la dégradation des conditions de transport dans les TGV et plus encore dans les trains de banlieue en Île-de-France.
Certes la SNCF n’est pas seule coupable. Son actionnaire l’Etat a mené pendant des décennies une stratégie de gribouille qui a consisté à investir aveuglément dans des TGV et dans des gares, parfois dans des endroits dans lesquels il n’existait aucun besoin. Investir dans des infrastructures de mobilité là où il n’existe pas de demande de mobilité constitue un exploit dont seul un actionnaire public semble capable.
En outre, l’application de la loi Grandguillaume sur les VTC depuis le 1er janvier freine la mobilité dans les métropoles tout en pénalisant l’emploi de populations peu ou pas qualifiées. Sous couvert d’homogénéisation des règles applicables aux taxis et aux VTC, les pouvoirs publics diminuent sensiblement le nombre de véhicules disponibles dans nos métropoles. Il y avait déjà de quoi avoir honte en observant la queue dans la file des taxis gare du nord ou à Roissy. Eh bien ce sera pire.
Enfin, la politique anti-mobilité d’Anne Hidalgo, maire de Paris, coupe la capitale des banlieusards, lesquels n’ont plus qu’à attendre le Grand Paris Express pour espérer voir leur situation s’améliorer. La politique de transport de Paris n’est en rien une politique écologique comme le montrent les résultats médiocres obtenus dans ce domaine. C’est une politique élitiste qui isole Paris de sa banlieue là où il faudrait au contraire renforcer l’intégration des deux zones. Cette politique freine le développement économique de la petite couronne. Elle partage donc, avec la loi Grandguillaume, la caractéristique, curieuse venant de personnes de gauche, de se faire au détriment des plus fragiles.
Le gouvernement semble avoir saisi l’enjeu. Après les Assises de la mobilité, Elizabeth Borne, ministre des Transports, a opportunément dénoncé « l’assignation à résidence de trop nombreux citoyens et l’enfermement de trop nombreux territoires ». Mais dans ce cas il serait bon que les pouvoir publics accordent leurs violons et cessent leurs injonctions contradictoires. Souhaite-t-on que l’espace français soit fluide et que chacun puisse s’y déplacer où aime-t-on à ce point l’enracinement qu’on demande aux banlieusards de rester dans leur banlieue et aux provinciaux dans leur province ?
Allons plus loin. L’étude des grandes vagues d’innovation montre que les humains dirigent depuis toujours leurs efforts technologiques pour vaincre deux limites : celle du temps et celle de l’espace. Ces deux combats ont été couronnés de succès. Jamais, sur terre, la population et l’espérance de vie à la naissance n’ont été aussi élevées, preuve que, grâce à la science et à l’innovation, la vie gagne du terrain. Et jamais les transports n’ont été si modiques et, la plupart du temps, faciles.
Du bateau à vapeur au porte-conteneurs en passant par le chemin de fer et l’automobile, l’histoire économique témoigne de la volonté des hommes de découvrir, voyager, transporter, à des conditions toujours plus optimales. En 2017, 4 milliards de personnes ont emprunté 27 000 avions de ligne lors de 37 millions de vols. Pour la première fois dans l’histoire de l’aéronautique, il n’y a eu aucun accident.
Se rendre de Paris à Santiago du Chili ou à Bangkok est statistiquement plus sûr que s’endormir dans son propre lit. Ce n’est pas un hasard si la plupart des innovations dérivées du numérique et de l’intelligence artificielle concernent les transports. Les impacts de ces mutations sont largement sous-estimés en Europe, qu’il s’agisse de la voiture autonome, du train supersonique Hyperloop ou même des lanceurs spatiaux réutilisables.
En définitive, la facilitation de la mobilité ne correspond pas seulement à une aspiration humaine. Elle constitue aussi un facteur de croissance et de cohésion sociale dans un contexte où la mondialisation et l’innovation favorisent la concentration géographique des richesses. Face à cette métropolisation, les pouvoirs publics doivent utiliser les outils à leur disposition pour faciliter les transports entre les différentes métropoles d’une part, et fluidifier les déplacements à l’intérieur de chaque métropole d’autre part. Les négligences des pouvoirs publics concernant ces questions en Île-de-France ou au niveau national, sont plus que jamais une entrave à la justice sociale.
Tribune publiée dans Le Figaro le 9 janvier 2018