Le régime universel de retraite menace la démographie des auxiliaires médicaux libéraux
Les auxiliaires médicaux libéraux sont des acteurs essentiels du système de soins et les éléments moteurs de la mutation du système de santé. Ils exercent de véritables missions de service public en contribuant à la détection et la prise en charge de certaines pathologies handicapantes. Le vieillissement de la population et la multiplication des affections de longue durée accroissent la demande de soins paramédicaux et, partant, le besoin de professionnels capables de les prendre en charge.
L’alignement du régime de retraite des auxiliaires médicaux sur celui des salariés compromet leur avenir. Dans le régime actuel piloté par la CARPIMKO et la CNAVPL, le taux moyen de cotisations retraites des auxiliaires médicaux s’élève à 15%. Selon les préconisations du Haut-commissariat aux retraites, la convergence des 42 régimes existants se matérialisera par l’application uniforme d’un taux de 28,12% jusqu’à une fois le plafond annuel de la sécurité sociale et de 12,94% au-delà. La hausse des cotisations revient à augmenter le taux de prélèvements obligatoires de plus de 13 points de pourcentage. En compensation, le Haut-commissariat propose la redéfinition de l’assiette sociale des indépendants, afin de diminuer le montant de CSG-CRDS acquitté par les professions libérales.
La perte sèche de revenu consécutive à la réforme serait de 9,6% du bénéfice non commercial pour l’ensemble des auxiliaires médicaux. Les professions les plus rémunératrices perdraient le plus. Les infirmiers et les masseurs-kinésithérapeutes accuseraient des pertes respectives de 10,6% et 9,5%. Les orthophonistes perdraient pour leur part 8,7% de leurs revenus, contre 8,4% et 8,2% pour les pédicures-podologues et les orthoptistes.
Les dispositifs de compensation envisagés – c’est-à-dire le plafonnement du taux de 28,12% jusqu’à une fois le plafond de la sécurité sociale ainsi que l’abattement de 30% de l’assiette de CSG – ne seraient pas suffisants pour éviter une baisse importante des revenus d’activités des auxiliaires médicaux. Après abattement des contributions sociales, l’ensemble des affiliés à la CARPIMKO perdrait 6,0% de son bénéfice non commercial sur une année. Le manque à gagner serait de 7,0% pour les infirmiers, de 5,9% pour les masseurs-kinésithérapeutes, de 5,0% pour les orthophonistes, de 4,7% pour les pédicures-podologues et de 4,5% pour les orthoptistes. La réforme des retraites permettrait d’assurer des pensions nettes représentant en moyenne 58,8% du revenu d’activité.
L’estimation des effets de la perte de revenus sur la démographie des auxiliaires médicaux s’appuie sur l’analyse de l’élasticité de l’offre de travail à la variation du revenu. Il s’agit de mesurer la baisse du nombre d’heures travaillées lorsque que le revenu diminue de 1%. Les femmes en couple et les hauts revenus ont les réactions les plus fortes. La hausse des prélèvements obligatoires exerce un effet psychologique qui pousse les actifs en couple les plus riches à cesser de travailler puisqu’ils peuvent compter sur la solidarité conjugale. Pour les personnes les plus modestes et en particulier pour les femmes, la baisse du revenu renforce la contrainte budgétaire et nécessite des arbitrages.
La perte de revenus met en danger la démographie des auxiliaires médicaux libéraux alors que les besoins de soins sont croissants. Au total, la réforme des retraites pourrait se traduire par la perte de 9 755 équivalents temps plein (ETP), soit 4% du total des affiliés à la CARPIMKO. La baisse se concentre sur les femmes en couples aux bénéfices les plus élevés, puisqu’elles peuvent compter sur les revenus de leur conjoint. Les infirmiers et les orthophonistes seraient les professions les plus sévèrement atteintes avec une perte de 5% en ETP. Les masseurs-kinésithérapeutes libéraux et les pédicures-podologues qui ont une forte proportion d’hommes, seraient moins touchés. Leur perte devrait être de 3%, contre 4% pour les orthoptistes.
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