Le gouvernement annonce une excellente politique. Qu’il la conduise !
Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, la politique économique de la France repose largement sur la notion d’attractivité du capital financier et du capital humain. C’est le sens du slogan « choose France ». Cette politique publique est parfaitement adaptée aux grandes périodes d’innovation telles que celle que nous connaissons aujourd’hui. En effet, la révolution du numérique, de la robotique, de l’intelligence artificielle et de la transition énergétique impose aux pays qui veulent renforcer leur croissance structurelle d’attirer du capital et des talents. En effet, cette période de l’histoire économique requiert des capacités d’investissements importantes (d’où l’importance du capital financier) et des talents pour faire prospérer ces investissements (d’où l’importance du capital humain). Simplement, dans ce domaine, les mots ne suffisent pas. La mise en œuvre d’un cadre attractif exige quatre conditions : une fiscalité et une réglementation « dans la moyenne », une action publique stable dans le temps et une politique publique cohérente et prévisible pour les investisseurs
L’allègement de la fiscalité sur le capital financier a permis de replacer la fiscalité française dans la moyenne des pays de l’OCDE. Afin de renforcer l’attractivité pour le capital humain, le gouvernement a aussi annoncé début 2018 des mesures qui vont dans le bon sens, notamment l’exonération temporaire d’affiliation aux régimes de retraite pour les cadres impatriés. En revanche, rien n’a encore été fait pour simplifier le cadre réglementaire qui s’impose aux investisseurs étrangers ou pour mettre fin à l’instabilité des politiques publiques. J’ai ainsi récemment appris que le Sénat français avait fort heureusement rejeté le 14 mars dernier un amendement du gouvernement visant à revoir à la baisse les conditions tarifaires de la production d’énergie renouvelable en mer pour des appels d’offres clos il y a plusieurs années. Mais à quoi joue le gouvernement ? D’après la dernière édition du Global Competitiveness Report, sur une liste de 137 pays, les investisseurs classent la France 115ème pour ce qui est de la complexité réglementaire. On se demande ce que deviendrait ce score du Global Competitiveness Report si les pouvoirs publics remettaient en cause des appels d’offres clos il y a parfois plus de 5 ans.
Il y a plus. Depuis les travaux, à la fin des années 1970 et au début des années 1980, du Norvégien Finn Kydland et de l’Américain Edward Prescott, les économistes considèrent que la croissance économique d’un pays dépend largement de la cohérence temporelle des décisions publiques. Les économistes prennent souvent, à titre d’illustration du modèle de Kydland et Prescott, l’exemple de la fiscalité du capital. Pour faire grossir l’épargne et l’investissement, un gouvernement a intérêt à annoncer que la fiscalité sur le capital restera basse. Mais, pour maximiser ses recettes, il aurait intérêt, après coup, à augmenter fortement les taux d’imposition par surprise. Ainsi, il bénéficierait à la fois d’une épargne forte et de recettes fiscales élevés. Chacun comprend que cette stratégie incohérente ne peut fonctionner qu’une fois. Échaudés, les agents économiques, quoi qu’annonce le gouvernement, vont diminuer leur épargne pour échapper à la fiscalité. Finalement, le gouvernement n’aura ni épargne ni recettes fiscales. Voilà pourquoi une politique économique qui vise l’efficacité requiert la cohérence. Ce modèle simple s’applique parfaitement au sujet de cette note. A partir du moment où l’État français communique sur la stabilité retrouvée du pays, mais ne tient pas compte d’appels d’offre clos il y a plusieurs années, il se contraint à décourager les investisseurs et à perdre sur tous les tableaux.
Le Président et le Premier Ministre ont parfaitement identifié les problèmes macroéconomiques de la France et ont indiqué plusieurs fois vouloir lutter contre. Simplement, le type d’amendements que le gouvernement a voulu faire passer sur l’abandon des appels d’offre pour les éoliennes offshore va strictement à l’encontre de cette volonté.
Article publié sur LinkedIn le 31 mai 2018