L’alternance favorisera l’emploi des jeunes
Pour la politique économique, la croissance est un piège. Aujourd’hui, tous les indicateurs conjoncturels de la France pointent vers le haut. Le PIB s’approche de la barre des 2%. L’emploi augmente presque aussi vite que lui, situation inhabituelle qui montre que le CICE et le pacte de responsabilité contribuent de façon significative à la baisse du chômage. Les ultra-keynésiens commencent à pointer le bout de leur nez, alimentant la traditionnelle lâcheté macroéconomique française : si l’emploi repart, pourquoi réformer ? Au contraire, disent-ils, laissons filer la dépense publique, prions pour que la Banque Centrale Européenne ne resserre pas sa politique monétaire tout de suite ne nous lançons pas dans des réformes qui pourraient sembler pénibles aux Français.
Même si la croissance persiste, le marché du travail viendra buter sur un taux de chômage incompressible
Le souci, c’est que ce diagnostic, contestable dans l’absolu, omet en outre une donnée centrale qui singularise l’économie française : de 7 à 9 points de notre chômage sont structurels, c’est-à-dire quasiment indépendants du cycle économique. Pour le dire autrement, même si la croissance persiste, le marché du travail viendra buter sur un taux de chômage incompressible car lié au droit et au coût du travail, à la formation et à l’inadéquation entre l’offre et la demande d’emplois (les fameux emplois non pourvus dont on attend toujours au passage une évaluation sérieuse et précise). Le gouvernement a commencé à traiter ce problème de façon fort à propos avec les ordonnances travail qui apportent aux entreprises une grande partie de la flexibilité qui leur manquait. J’évoquais dans ces mêmes pages il y a deux semaines le besoin de révolutionner (et non de réformer) la formation professionnelle. Pour être complet, il convient d’adopter une vision systémique de ces sujets, qui aborde de front formation professionnelle, apprentissage et réforme du bac.
L’alternance doit se donner les moyens d’augmenter considérablement le taux d’emploi des jeunes
La formation professionnelle a pour objectif de préparer chaque actif à l’immense vague de destruction-créatrice schumpétérienne qui s’abat sur nous avec la montée mondiale et exponentielle du numérique et de l’intelligence artificielle. Mais, sans formation initiale performante, la formation professionnelle opère mal (et, inversement, la formation initiale doit être complétée d’une actualisation des compétences tout au long de la vie). C’est pourquoi l’alternance doit se donner les moyens d’augmenter considérablement le taux d’emploi des jeunes, notamment ceux qui, heureusement nombreux, n’ont pas vocations à diriger un laboratoire d’intelligence artificielle chez Google. Or toutes les données chiffrées et toutes les comparaisons internationales nous montrent que l’apprentissage contribue fortement à la baisse du chômage chez les jeunes. Voilà pourquoi le gouvernement doit, dès 2018, faire voter a minima au Parlement les mesures suivantes : 1/ Affecter la totalité de la taxe d’apprentissage à l’apprentissage alors qu’aujourd’hui, une partie se perd en route pour financer d’autres politiques ; 2/ Créer un contrat d’apprentissage unique pour les jeunes 3/ Supprimer les lycées professionnels et rediriger les jeunes concernés vers l’alternance.
Aborder de front formation professionnelle, apprentissage et réforme du bac
Le gouvernement vient de demander à Pierre Mathiot de préparer la réforme du bac. C’est une excellente nouvelle. La réforme du bac et celle de l’alternance doivent être menées en cohérence. Le bac et la prédominance quantitative (60% des élèves du lycée général) et supposée qualitative de la filière S constituent des obstacles au développement d’une culture de l’apprentissage. C’est la raison pour laquelle il faut sans doute tout à la fois supprimer les filières S, ES et L et diminuer l’importance de cet examen en faisant monter en puissance le contrôle continu. Comme me le disent toujours les Suisses : « Vous avez 80% de bacheliers, nous avons deux tiers d’apprentis. Mais nous, nous n’avons pas de chômage. »
Article publié par L’Express le 15 novembre 2017
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