Impressions de ma visite au #CES2019
A l’invitation de la délégation #CPME et INOHA, que je remercie chaleureusement.
- Première journée et trois tendances notables :
1/ La troisième révolution industrielle est entrée dans sa phase de « synthèse créative ». Autrement dit, on parle beaucoup moins de technologies (l’IA) et plus d’applications (les home assistants). C’est intéressant dans la mesure où cela montre les conséquences concrètes de cette révolution industrielle. C’est négatif quand des innovations relèvent du gadget (on en voit beaucoup dans le domaine de l’équipement de la maison).
2/ Le duopole Amazon / Google se précise. Alexia est incroyablement présent et sert de support technologique à un grand nombre d’entreprises. Évidemment, c’est dans ce cas Amazon qui récupère les data. (Apple n’est pas présent au CES).
3/ C’est dans le domaine de la mobilité que j’ai vu les choses les plus impressionnantes (mais je suis loin d’avoir tout vu). Le CES est aussi devenu un immense salon de l’automobile. Navettes, voitures électriques, véhicules autonomes : l’automobile est clairement entrée dans un nouvel âge. Les constructeurs français sont malheureusement suiveurs.
1/ Ce CES est dominé par la connexion. Les objets, les animaux, les corps humains sont connectés. Lit connecté, cuisine connecté, chat connecté, bébé connecté… Nous entrons dans l’ère du quantitativisme. Cela peut effrayer mais il faut voir le bon côté des choses : si cela peut éviter la mort subite du nourrisson ou, évidemment moins grave, si cela permet de retrouver mon chat qui a fugué, c’est un progrès. J’ai été particulièrement impressionné par la market place « baby tech ». De la mesure de la qualité du sperme au contrôle en continue de la température du bébé, tout est fait pour technologiser la procréation et la toute petite enfance. Clairement, nous y allons.
- Deuxième jour au CES sous le soleil de Las Vegas. Trois enseignements :
2/ Une entreprise émerge qui est au cœur de ce réseau de connexion : Amazon, via l’assistant Alexa. A Las Vegas, on ne parle quasiment que d’Alexa. Un industriel de douches connectées (évidemment) m’expliquait qu’Amazon met Alexa gratuitement à disposition des entreprises, ce qui lui permet de récupérer des clients consommateurs et des données. Par exemple, Audi a présenté un modèle qui intègre Alexa. Plus besoin d’actionner un essuie glace, un GPS ou une clé : tout se fait par commande vocale. Amazon est donc destiné à être dans nos voitures comme dans nos maisons. Alexa est un membre de la famille, amical, mais qui nous espionne un peu. Comme je le dis depuis plusieurs mois, l’entreprise de Jeff Bezos est en train de prendre une longueur d’avance sur les autres Gafa. Alibaba est évidemment très forte aussi. Sur ce sujet, l’Europe est inexistante. C’est son drame.
3/ J’ai passé beaucoup de temps avec les startups de la French Tech. La présence française est impressionnante et fait plaisir. Mais je suis mitigé. Il me semble que ces startups proposent des produits d’un intérêt un peu inégal. Surtout, nous savons tous qu’elles ont du mal à grandir en France. Bref : je ne voudrais pas que la belle promesse de la French Tech se réduise au fil des ans à une campagne de communication réussie. Encore et toujours nos entreprises ont besoin de capital, de flexibilité, de tempérance réglementaire et d’un marché européen unique pour le numérique et l’IA.
Aujourd’hui, je me suis concentré sur les market places santé, bien-être et sport. Beaucoup de gadgets en bien-être et sport, notamment des chaises qui activent les muscles pour éviter de faire du sport. Beaucoup de réalité augmentée dans le sport, mais rien de transcendant. Faire du hockey sur glace dans mon salon avec un casque sur la tête m’amusera 10 minutes mais pas plus. A la limite, je préfère jouer à Fortnite avec mon fils.
- Troisième jour avec la délégation #CPME
C’est évidemment dans la partie santé que j’ai vu les choses les plus intéressantes. Comme je vous le disais, ce CES est notamment celui du corps connecté. De fait, les montres, ceintures, chaussures, boxes nous envoient de nombreux paramètres vitaux en temps réel sur nos smartphones. L’offre est énorme et mature. Qu’on le veuille ou non, une partie de la médecine se joue là. Au passage, la santé animale connaît la même évolution.
Deux implications principales :
1/ Bien évidemment, la médecine va changer. Elle va devenir omniprésente et forcer les médecins humains à monter vite en valeur ajoutée. J’ai été impressionné par ce miroir de salle de bain connecté qui scanne les grains de beauté, par ces chaussures qui détectent Alzheimer ou cette boxe qui surveille l’apnée du sommeil. La médecine à distance (y compris à la maison) se développe aussi très rapidement.
2/ Nous entrons dans une ère de surveillance médicale quasi-constante. Le problème n’est pas tant celui des données de santé que de notre capacité à nous adapter à ces technologies. Cette omniprésence de la santé pourrait déclencher à court terme la survenue d’une vraie maladie psychiatrique : l’hypocondrie. De même que nous ressentons le besoin de décrocher des réseaux sociaux, peut-être voudra-t-on jeter à la mer sa montre connectée.
- Dernier jour au CES. L’occasion de faire un point sur les deux polémiques qui ont émaillé le salon.
D’abord, sur l’absence de membre du Gouvernement français. Il me semble que c’est une erreur. Certes, la délégation gouvernementale était sans doute trop fournie ces dernières années. Mais passer du tout au rien sous prétexte de la crise politique en France donne le sentiment d’un manque de continuité dans la politique gouvernementale. Il faut au contraire montrer que les intérêts des startups et des personnes les plus fragiles de notre pays sont liés. Si l’on veut éviter que la crise des gilets jaunes dure 30 ans, on a au contraire tout intérêt à miser sur l’innovation, ce que notre pays fait trop timidement, au-delà des effets de manche.
Ce qui m’amène à la seconde polémique, concernant la #FrenchTech. Il est vrai que cette présence est impressionnante. Des dizaines de startups françaises sont alignées dans cinq ou six allées, dans une ambiance joyeuse. Mais, comme beaucoup d’observateurs, je m’interroge. Certaines startups proposent des produits innovants et aboutis (la douche connectée pour réaliser des économies d’eau). D’autres ne me semblent pas avoir leur place dans ce salon (le robot distributeur de bière…). Cela peut donner l’impression que les pouvoirs publics (les régions notamment) font du forcing et subventionnent avec peut être trop de zèle la présence de leurs startups. Je ne veux pas donner le sentiment de critiquer ou d’être négatif car le sujet est difficile et placer le curseur pile au bon endroit est malaisé. Mais, comme j’en discutais avec les dirigeants de Business France, il faut sans doute améliorer la sélection et le suivi des startups qui se déplacent à Las Vegas pour s’assurer que cette présence française, encore une fois spectaculaire, finisse par déboucher sur des résultats macroéconomiques concrets. Sinon, c’est notre crédibilité qui serait affectée, ce dont nous n’avons guère besoin.