Il faut réduire la dépense publique
Ordonnances travail, fiscalité du capital, droit à l’erreur, attractivité des talents : formidable ! Sur ces sujets, le président et le gouvernement remplissent leur office et alimentent l’équation, forcément bonne pour l’économie, « Macron = confiance ». Simplement, sans vouloir gâcher la fête, peut-on rappeler que toutes ces bonnes réformes peuvent se briser du jour au lendemain sur le mur d’un endettement public qui approche 100% du PIB ? Or ce sujet semble pour l’instant passer à côté du radar des pouvoirs publics. On ne voudrait pas imaginer que cette inconscience soit liée à un résidu de lâcheté politique. Certes, s’attaquer à l’endettement public, c’est-à-dire, pour l’essentiel, à la dépense publique, est sans doute plus coûteux politiquement que d’organiser un séminaire de dirigeants d’entreprises à Versailles. Cela n’en est pas moins nécessaire et il faut profiter de la bonne conjoncture économique pour le faire.
Certes, aujourd’hui, les taux d’intérêt sur notre dette publique restent bas, inférieurs à 1% pour des échéances de 10 ans. Et, au niveau mondial, il est peu probable que les taux d’intérêt remontent rapidement. D’une part, l’épargne reste abondante, ce qui tire les rendements vers le bas. D’autre part, l’innovation technologique et la mondialisation empêchent tout dérapage inflationniste qui ferait flamber les taux. Cela dit, ce qui est vrai au niveau du monde ne l’est pas forcément au niveau d’un pays. Si, demain, l’arrivée au pouvoir chez nos voisins d’un gouvernement populiste ravive les craintes existentielles sur la zone euro, les pays à endettement public élevé verront les taux d’intérêt flamber et plongeront vers l’insolvabilité. Cette hypothèse n’est pas la plus probable mais c’est le rôle des gouvernants d’un pays que de l’en prémunir.
Il y a deux autres raisons pour lesquelles nous devons diminuer notre dépense publique. La première tient à l’impossibilité, dans les circonstances actuelles, de mener une véritable politique de décrue fiscale. En dehors de l’instauration bienvenue d’un « prélèvement forfaitaire unique » sur les revenus du capital et du remplacement de l’ISF par l’IFI, le gouvernement actuel, en matière, fiscale, ne fait pas beaucoup mieux que ses prédécesseurs. Globalement, il reprend d’une main ce qu’il donne de l’autre et ne parvient pas à tarir la source qui fait naître des petites taxes à base étroite, domaine dans lequel la créativité française est malheureusement sans limite. La seconde raison qui justifie une optimisation de notre dépense publique est la nécessité de dégager des marges de manœuvre financières pour l’avenir. Le seul paiement des intérêts de la dette va coûter à l’État plus de 40 milliards d’euros en 2018 (même si les ménages français en récupèrent une partie via l’assurance-vie). A force de laisser filer les dépenses sociales et les dépenses de fonctionnement, ou d’organiser des projets ludiques comme les JO, l’argent manque pour des investissements nécessaires. C’est très bien d’organiser un grand show sur l’attractivité à Versailles mais quelle crédibilité pour notre pays si nous ne sommes pas capables de financer le Grand Paris Express pour, notamment, relier le plateau de Saclay à Orly ?
La baisse de la dépense publique n’est pas une punition. C’est au contraire une libération. Il ne s’agit pas d’appauvrir les services publics mais de les enrichir en les dissociant du secteur public. La baisse de la dépense publique, ce ne sont pas moins d’écoles et d’hôpitaux. C’est une administration qui sous-traite au secteur privé tout ce qui peut l’être, au bénéfice des contribuables et de la qualité du service qui leur est rendu. Et, même s’il sera difficile de les en convaincre, il est loin d’être certains que les fonctionnaires, sous-payés et maltraités par leur management, sortent perdants de cette opération.
Article publié dans L’Express le 31 janvier 2018