En finir avec les déficits


22 février 2018

 

La majorité réforme plus et mieux que celles qui l’ont précédée ces trente dernières années. Ce n’est pas rien. Néanmoins, presque tout reste à faire, comme le montrent les chiffres récents sur l’économie française. Certes la croissance repart et atteindra 2% cette année. Néanmoins, si l’on adjoint une base 100 au PIB par habitant en 2008, nous sommes aujourd’hui à 101. On mesure mieux les frustrations qui se sont accumulées dans le pays et l’intensité de la bataille qui s’ouvre pour capter les fruits de la croissance : les ménages veulent des baisses d’impôts, les entreprises des allègements de charges, les fonctionnaires des hausses d’effectifs, les pouvoirs publics une diminution de leur dette. Ce ne sont pas les phases de récession qui sont conflictuelles mais les reprises comme on va le voir ces prochaines semaines. Certes les entreprises françaises créent beaucoup d’emplois. Mais le taux de chômage baisse peu car les qualifications des actifs ne sont pas en phase avec les besoins des entreprises. A ce titre, la réforme de la formation professionnelle et de l’apprentissage sont clés, et on aimerait que les régions et les partenaires sociaux, sur ces sujets, se comportent en adultes. Certes l’investissement des entreprises accélère mais à partir d’une base productive étroite (la production industrielle est inférieure de 7% à ce qu’elle était il y a dix ans).

Ce dernier point apparaît de façon criante dans les chiffres de notre commerce extérieur. En 2017, le déficit commercial a dépassé 60 milliards d’euros (contre moins de 50 en 2016). Ce n’est pas qu’un effet de la remontée des prix du pétrole. Le déficit manufacturier s’est accru pour dépasser 40 milliards d’euros. La reprise des investissements profite ainsi en grande partie aux industriels étrangers. Une étude récente de COE-Rexecode dit la même chose autrement : la part de marché des entreprises françaises dans les exportations de la zone euro est passée de 17% en 2002 à moins de 13% en 2017. Depuis des décennies, nos gouvernements abordent ce problème via des aides à l’export ou des artifices de communication sur le made in France. C’est à côté du sujet. Un pays souffre d’un déficit extérieur quand la demande des ménages et des entreprises est supérieure à la production. On est d’ailleurs saisi de stupeur quand on entend certains députés du Front National ou de la France Insoumise prôner une « relance par la demande ». Dans un pays qui produit aussi peu que la France, relancer la demande relance le déficit extérieur, au bonheur de ses partenaires commerciaux.

La diminution de notre déficit extérieur passe par trois types de mesure. D’abord, il faut continuer les efforts de compétitivité-coût entrepris sous le quinquennat précédent. Grâce au CICE et au pacte de compétitivité, le coût unitaire du travail en France progresse au même rythme que dans l’ensemble de la zone euro et il augmente moins rapidement qu’en Allemagne même si l’écart reste significatif. Les mauvais résultats de notre commerce extérieur n’invalident pas cette politique mais en soulignent le caractère insuffisant et incomplet. Ensuite, nous devons faire monter en gamme notre industrie. Cela passe par un plan de modernisation des usines pour les emmener vers un modèle « 4.0 » où convergent le numérique, la robotisation, l’intelligence artificielle et les imprimantes 3D. Le programme « Usine du futur », lancé en 2015 en Aquitaine par Alain Rousset, constitue un exemple de ce que les pouvoirs publics peuvent faire. Enfin, le gouvernement doit s’attaquer sérieusement au déficit budgétaire. Les déficits commerciaux naissent des déficits publics. Notre dépense publique alimente la demande via les transferts sociaux (34% du PIB) et affaiblit la production via les prélèvements sur les entreprises (18% du PIB). Baisser la dépense publique, c’est laisser respirer le secteur privé.

 

Article publié dans L’Express le 14 février 2018