Dette publique : des candidats et des électeurs irresponsables


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22 mars 2017

Photo d’illustration afp.com/Adrian Dennis

La France est ce pays masochiste où l’on se concentre sur les problèmes sans jamais se donner les moyens de les résoudre. L’actuelle campagne électorale tourne autour des sujets en prenant bien soin de rester vague de peur de les aborder avec précision. Ainsi en est-il de la dette publique. Les sondages d’opinion montrent que les électeurs ne sont pas complètement étrangers à cette question. Mais cette sourde-inquiétude ne se traduit pas dans les intentions de vote puisque plus de la moitié des sondés s’apprêtent à voter au premier tour pour des candidats qui se moquent de ces sujets comme d’une queue de cerise.

La politique bien française du « dépenser plus »

Chacun sait, ou devrait savoir, que la France cumule deux quasi-records parmi les pays de l’OCDE : celui de la dépense publique (57% du PIB à égalité avec la Finlande) et celui des prélèvements obligatoires (un peu plus de 45% du PIB, derrière le Danemark). Vu notre croissance économique structurelle (aux alentours de 1% alors même que notre démographie progresse) et notre taux de chômage, le moins que l’on puisse dire, c’est que cette combinaison n’est pas optimale. En outre, le taux de prélèvements obligatoires, dont les Français semblent avoir « ras le bol », découle directement de la dépense publique. Notre incapacité à maîtriser cette dépense entraîne d’un même mouvement l’impossibilité de diminuer les prélèvements et la dette.

Et bien que nous proposent la plupart des candidats ? De continuer voire d’accélérer. Marine Le Pen veut ainsi nous infliger 150 milliards de dépenses supplémentaires, sans compter le coût de la sortie de l’euro. Elle nous promet dans le même temps 60 milliards d’économie liées à l’arrêt de l’immigration, à la sortie de l’Union Européenne et à la suppression des régions. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le compte n’y est pas. Il est piquant que la soi-disant candidate de l’anti-système ne soit pas capable de proposer autre chose que ce qui échoue en France depuis des décennies : dépenser plus. En même temps, les nationalistes se retrouveront peut-être dans cette politique « bien française ». Jean-Luc Mélenchon entend quant à lui relancer l’économie française avec un plan d’investissement public de 100 milliards d’euros et au moins autant de dépenses de fonctionnement. Un étudiant de 1ere année d’économie est pourtant censé savoir qu’une relance keynésienne dans un pays qui souffre d’un déficit commercial dynamise surtout les importations. Idéologie quand tu nous tiens. Enfin, même après son rabougrissement récent, le revenu universel de Benoit Hamon (qui a heureusement perdu son caractère universel) coûterait quand même 35 milliards d’euros. Les deux seuls candidats à faire preuve d’un peu de sérieux sur le sujet sont Emmanuel Macron, dont le programme est censé déboucher sur une baisse globale de la dépense publique de 60 milliards d’euros (ce qui n’est pas énorme mais on s’en contentera), et surtout celui de François Fillon avec une baisse prévue de l’ordre de 100 milliards d’euros.

Et le principe de précaution ?

Diminuer la dépense n’est pas une fin en soi et le faire trop brutalement serait contre-productif pour l’économie comme l’a rappelé récemment le FMI. Mais c’est, avec la croissance, le seul moyen pour la France de ne pas subir une explosion de la dette publique qui inquiète nos créanciers. Depuis novembre dernier, ils nous demandent des taux à 10 ans toujours faibles mais de plus en plus élevés. Certaines compagnies d’assurance comme la Scor ne détiennent plus d’OAT en raison d’un risque pays jugé désormais trop élevé. 65% de la dette publique française est détenue par des étrangers qui comprennent mal ce pays où une grande partie des électeurs ignore ou feint d’ignorer des mécanismes économiques simples et joue avec son propre avenir. Le principe de précaution, bien en cours chez nous, ne s’applique visiblement pas aux questions de finances publiques.

Article paru dans l’Express du 15 mars 2017