Alerte éco – La reprise serait-elle un échec ?


Alerte éco
22 mai 2015

L’Insee a publié ce vendredi le climat des affaires pour le mois de mai, voici notre analyse.

En mai 2015, le climat des affaires s’améliore pour le troisième mois consécutif et l’indicateur de retournement est en zone positive. L’opinion des chefs d’entreprises vient logiquement corroborer la croissance du PIB constatée au dernier trimestre (+0,6%), la légère reprise de l’inflation (+0,1% en avril) ou encore de la production industrielle (+0,3% en mars). La croissance de l’économie française s’accélère, c’est indéniable. Cependant, le climat des affaires ne nous éclaire pas sur deux enjeux fondamentaux : jusqu’où ? jusqu’à quand ? L’ampleur de la reprise économique et sa durée restent en suspens.

Lors de la publication du PIB, les réjouissances furent de courte durée : la croissance économique est de 0,6% au T1 2015, certes, mais les fondements de cette croissance posent problème. La croissance du PIB a notamment reposé sur la consommation des ménages (+0,8%) et des administrations publiques (+0,4%). Deux des leviers de la reprise économique en France sont la baisse des prix du pétrole qui permet une hausse du pouvoir d’achat des ménages et donc de la consommation et l’allègement des objectifs de réduction de la dette publique. Ces facteurs de croissance ne sont pas intrinsèquement mauvais mais révèlent la fragilité du modèle : la réduction de la dette publique deviendra effective tôt ou tard (a priori plutôt tard que tôt) et les cours du pétrole dépendent notamment de décisions géopolitiques. La croissance économique française semble suspendue aux choix de la Commission européenne et de la famille royale saoudienne.

Déception majeure dans les chiffres du PIB, la contribution du commerce extérieur est largement négative (-0,5 point). La baisse des cours de l’euro, demandée par la classe politique depuis des années et présentée comme la solution aux soucis français sur les marchés mondiaux, ne porte pas encore ses effets. L’explication est simple : l’économie française reste trop peu compétitive, notamment face à ses voisins de la zone euro. La baisse de l’euro ne change rien pour les produits français concurrencés par les produits allemands mais surtout espagnols, italiens ou portugais. Les exportations françaises ne seront compétitives face à leurs voisines qu’après des réformes en interne.

– Relance économique par la consommation des ménages et des administrations, suspendue aux cours du pétrole et au déficit public, contribution négative du commerce extérieure malgré la très attendue baisse de l’euro, le PIB du T1 2015 n’est finalement pas si rose. La capacité de l’économie française à atteindre des taux de croissance élevés (supérieurs à 1,5% par an afin de faire baisser le chômage) sur le long terme avec ces leviers semble limitée. Surtout, les leviers de la reprise économique constituent un camouflet pour le gouvernement : la politique de l’offre visait une reprise par la compétitivité des entreprises, matérialisée notamment par le commerce extérieur et l’investissement, associée à une modération de la consommation de ménages et une baisse des dépenses publiques. C’est l’inverse qui se produit.

La croissance (bienvenue) et ses fondements (à l’opposé de la politique de l’offre) mettent en lumière les manquements des réformes gouvernementales. Le package est globalement bon : baisse du coût du travail, simplification, ouverture de certains secteurs, mais l’ampleur des réformes et leur timing laissent à désirer. L’ampleur car les blocages et le retard structurel de l’économie française semblent plus forts que la classe politique ne veut bien l’admettre. Le timing car ces mesures de fond nécessitent plusieurs années avant de se matérialiser en croissance économique. Un David Cameron a commencé son mandat par des mesures fortes qui ont porté leurs fruits avant sa réélection. Un François Hollande a commencé par hésiter et attendre avant des mesures modérées qui porteront éventuellement leurs fruits après sa tentative de réélection. Nos voisins britanniques ont quelques leçons de politique (économique) à nous donner.

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