Alerte éco : Face à la hausses des prix alimentaires, la baisse de la TVA ne semble pas être la solution idéale.


14 avril 2022


Synthèse

La guerre en Ukraine entraîne une hausse importante des prix de l’alimentation, un choc sur lequel une baisse de la TVA n’aurait qu’un effet limité. L’inflation sur l’alimentation devrait se situer entre 4 % et 10 % en 2022 d’après Asterès, ce qui amputerait le pouvoir d’achat des ménages de -0,4 % à -1,1 %, avec un effet trois fois plus fort pour les ménages modestes que pour les ménages aisés. Une baisse de la TVA telle que proposée par Marine Le Pen serait coûteuse et n’aurait qu’un impact limité à 13 € de hausse de pouvoir d’achat par ménage en moyenne, puisqu’une faible part serait effectivement répercutée sur les prix. Il serait préférable de diriger directement l’argent public vers les populations qui en ont le plus besoin.

La guerre en Ukraine : choc majeur sur les prix alimentaires

La guerre en Ukraine devrait conduire à un choc important sur les prix de l’alimentation. L’Ukraine, premier producteur mondial de tournesol, cinquième pour le maïs et huitième pour le blé, va probablement connaître un effondrement de sa production comme de ses exportations (paralysie des ports et des voies de communication). La Russie est quant à elle le troisième producteur mondial de blé et le premier exportateur. Elle a commencé à prendre des mesures de restriction à l’exportations de façon à assurer l’alimentation de son marché intérieur. En conséquence, les prix alimentaires mondiaux sont orientés à la hausse : en mars, l’indice des prix alimentaires de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation (FAO) était en progression de 34 % sur un an.

L’impact de la guerre en Ukraine sur les prix de l’alimentation risque de se faire pleinement sentir plus tard dans l’année. Il existe un décalage de plusieurs trimestres entre la variation du prix des matières premières alimentaires et les prix globaux de l’alimentation, le temps que les industriels de l’agro-alimentaire répercutent leurs hausses de coûts sur le produit fini. Par exemple, lors de la crise alimentaire de 2007-2008, qui avait déclenché des « émeutes de la faim » dans plusieurs pays d’Afrique, le cours du blé s’était emballé sur le second semestre 2007 et le début de l’année 2008, alors que le prix de la farine, du pain et des pâtes n’avait sensiblement progressé en France qu’à partir de la mi-2008.

Les ménages les plus modestes seront les plus pénalisés   par l’inflation

Asterès a retenu trois scénarios d’inflation pour l’alimentation en 2022. La prévision d’inflation en France pour 2022 est particulièrement délicate. Elle dépend en effet de l’évolution de la guerre en Ukraine et de l’ampleur des restrictions commerciales prises (du côté de la Russie, de l’Ukraine ou des occidentaux). Elle est également tributaire du comportement des entreprises de l’agro-alimentaire qui peuvent décider de reporter leurs hausses de coûts sur le client final ou de réduire leurs marges. Face à cette forte incertitude, Asterès a retenu trois scénarios :

 Scénario optimiste : Le scénario optimiste postule une inflation de 4 % sur l’alimentation en 2022. En mars (dernier chiffre connu), l’inflation alimentaire était de 2,8 % en France, un chiffre probablement appelé à croître dans les mois prochain du fait du décalage existant entre la hausse du prix des matières premières alimentaires et des produits finis dans le commerce. Il en résulterait un impact sur le pouvoir d’achat de 0,4% pour la moyenne des ménages, mais de 0,9 % pour les plus modestes.

 Scénario médian : Ce scénario implique une inflation alimentaire de 6 % cette année, soit un niveau globalement similaire à celui atteint en 2008, lorsque les prix alimentaires mondiaux avaient flambé. Ces derniers mois, la hausse des cours du blé et de l’indice de prix mondial de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation (FAO) a été moins brutal que l’envolée observée fin 2007. Ce scénario implique donc une poursuite de la hausse du cours des matières premières agricoles dans les prochains mois, probable au vu de l’effondrement attendu de la récolte ukrainienne. L’impact sur le de pouvoir d’achat serait alors de 0,7 %, avec un choc trois fois plus violent pour les ménages les plus modestes comparé aux plus aisés.

 Scénario pessimiste : L’inflation alimentaire serait de 10 % en 2022. Cela correspondrait au rythme d’inflation observé en mars aux Etats-Unis (hors repas pris à l’extérieur). Cette inflation amputerait alors le pouvoir d’achat des ménages français de 1,1%. 

Baisse de la TVA sur l’alimentation : peu de gains de pouvoir d’achat à attendre 

Face à la hausses des prix alimentaires, la baisse de la TVA ne semble pas être la solution idéale. En réponse à l’inflation sur les produits alimentaires, qui pénalise lourdement les ménages modestes, Marine Le Pen propose une suppression de la TVA sur les produits alimentaires de première nécessité. Outre que cette mesure n’est pas compatible avec les traités européens (pour prévenir la concurrence fiscale entre pays), Marine Le Pen n’a pas listé précisément les biens de première nécessité qui seraient concernés par cette mesure. Asterès a estimé l’impact d’un taux de TVA à 0 % sur les produits suivants : pain et produits à base de céréales, lait, fromage et œufs, huiles et graisses, fruis et légumes[1].

Les gains attendus d’une telle mesure sont faibles au vu de leur coût. Si le passage de la TVA de 5,5 % à 0 % se répercutait intégralement sur les prix, il en résulterait un gain de 133 € pour les ménages français, soit une progression du pouvoir d’achat de 0,3 %. Cependant, des expériences historiques montrent qu’une petite part des baisses de TVA se répercute sur les prix, la plus grande part étant captée par les entreprises ou leurs salariés. À partir d’une étude sur la baisse de la TVA sur la restauration en 2009[2], Asterès estime que 10 % de cette baisse bénéficiera effectivement aux consommateurs, soit un gain de pouvoir d’achat de 13 €, soit 0,03 % par ménage. 

Sylvain BERSINGER, économiste chez Asterès    


[1] Asterès considère un taux de TVA de 5,5 % sur l’ensemble de ces produits.

[2] IIP, « Qui a bénéficié de la baisse de la TVA dans la restauration en 2009 ? », mai 2018. L’étude de l’Insee, « Évaluation de l’impact de la baisse du taux de TVA de juillet 2009 sur le prix de production des unités légales de la restauration » de mars 2015 conclut également à une répercussion partielle de la baisse de la TVA sur le prix de vente

[3] Un chiffre similaire à celui présenté dans le programme de Marine le Pen qui mentionne d’un chiffre de 3,5 à 4 milliards d’euros

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