Pour une relance du programme de privatisations


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9 mai 2017

Le Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, à Bercy, Paris. Crédits photo : Eric Piermont/AFP

Parmi les « idoles » non encore effondrées de la gauche interventionniste (et d’une bonne partie de la droite), reste le mythe de l’ »État stratège », cet État qui, à la différence du secteur privé honni, privilégierait le long terme sur le court terme et l’intérêt général sur les intérêts particuliers, sans d’ailleurs que cet intérêt général soit jamais précisément défini. Et ce n’est pas là un oubli mais une vraie difficulté conceptuelle. Autant, en se raccrochant à John Rawls par exemple, on peut définir la justice, autant mener une politique dans « l’intérêt général » sonne bien à l’oreille mais pas au cerveau. Bien sûr, la notion d’État stratège n’est pas à jeter par-dessus bord à la va-vite. Et on peut admettre que l’État, pour protéger des intérêts qui ne sont pas qu’économiques mais tiennent à l’indépendance nationale, soit présent dans le capital d’entreprises comme Thales, Safran, EDF ou, à la limite, Orange. Mais pour le reste ? Dans ces périodes d’argent public rare, ne serait-il pas pertinent de débarrasser l’État des participations d’entreprises dans lesquelles il fait plus de mal que de bien pour financer la rénovation de nos infrastructures, en développer de nouvelles ou investir en amont dans l’éducation, l’université et la recherche fondamentale ?
La notion d’État stratège, très floue, est utilisée pour absoudre des échecs retentissants de l’État actionnaire

Selon l’Agence Française des Participations de l’État, les achats d’actions de l’État répondent à quatre objectifs : conserver notre souveraineté dans des secteurs dits « sensibles », « s’assurer de l’existence d’opérateurs résilients pour pourvoir aux besoins fondamentaux du pays », développer les secteurs déterminants pour la croissance et sauver des entreprises dont la faillite entrainerait un risque systémique. Si le premier argument et le second (qui est en fait une reformulation du premier) sont audibles, les deux autres le sont moins. L’État a parfaitement montré son incapacité à soutenir les entreprises importantes pour le pays et à en développer de nouvelles. Par charité envers le Gouvernement en place, on passera sur la bouffonnerie du sauvetage du site Alstom de Belfort ou les péripéties d’Areva qui illustrent parfaitement que l’État-actionnaire n’anticipe pas les mutations technologiques et parvient à peine à sauver artificiellement des usines avec un coût néanmoins dément pour le contribuable. En remontant un peu dans le passé, d’autres exemples d’interventions aux mieux brouillonnes ne manquent pas, de Renault à Charbonnages de France en passant par la SNCF ou la SFP. Finalement, le soi-disant État stratège est mieux inspiré quand il cède des participations chez Airbus ou ADP que lorsqu’il gonfle les muscles pour montrer ce qu’il sait faire en matière de stratégie industrielle. D’ailleurs, si l’État était si stratège, que n’avons-nous pas su développer d’entreprises comme Google, Apple, Facebook, Tesla, Baidu ou Xiami ? Le résultat de cette incurie coiffée d’une grande arrogance, c’est que les standards mondiaux technologiques et industriels qui façonneront le XXIe siècle seront négociés entre la Silicon Valley et Pékin. Espérons au moins que, ce que l’État a été incapable de faire directement, la Banque Publique d’Investissement y contribue à l’avenir.
Les privatisations ? Justifiées comme jamais !

Il ne faut pas voir dans ces difficultés une supposée incompétence endémique à Bercy ou des administrateurs de l’État, mais simplement le fait qu’on demande à ces équipes de résoudre une équation impossible : faire de la politique industrielle tout en ménageant les syndicats, en sauvant les emplois à court terme et en flattant les consommateurs avec des prix bas. Pire : l’État est lui-même schizophrène, qui a voulu sauver Belfort mais n’a jamais souhaité développer véritablement le fret ferroviaire, qui éteint des incendies sociaux chez Air France mais laisse augmenter les redevances aéroportuaires fixées par… ADP.

Pour toutes ces raisons, je suggère au Président de la République de reprendre un programme de privatisations afin de délester l’État d’entreprises qui vivront mieux sans lui. La vente de Renault, PSA, Eramet, CNP Assurances et Air France rapporterait à l’État plus de 50 milliards d’euros et lui épargnerait de soucis de gestion que, par sa nature même, il est incapable d’éviter.

Article publié dans FigaroVox le 24 janvier 2017