Les Echos – "Il faut différencier le prix en fonction de la catégorie de patients"


2 février 2015

Retrouvez sur le site des Echos l’entretien avec Nicolas Bouzou sur le coût des médicaments contre l’hépatite C.

Fallait-il mettre en place un mécanisme légal pour contenir le coût des nouveaux médicaments contre l’hépatite C ?

La question du prix est légitime, mais secondaire. On fait fausse route en se focalisant sur les rabais et les plafonds, car les prix vont, quoi qu’il arrive, énormément augmenter. Les nouveaux médicaments contre l’hépatite C coûtent cher à produire si l’on intègre les coûts de recherche et développement. Surtout, on va voir apparaître des molécules de plus en plus ciblées en cancérologie. On sort du modèle des Trente Glorieuses, une production intensive destinée au plus grand nombre, pour aller vers des produits qu’il faut amortir sur peu de patients. Dans ce contexte, même si l’on arrivait à faire baisser les prix de 20 à 30 % par la négociation, la facture continuerait à flamber pour la Sécurité sociale. Il faut donc avoir une approche systémique, chercher l’argent pour les médicaments innovants ailleurs dans le système de santé.

Comment trouver de l’argent ailleurs, alors qu’il y en a de moins en moins ?

Toute l’offre de soins doit gagner en productivité. De son côté, l’Assurance-maladie doit se concentrer sur le remboursement des affections lourdes et de longue durée, tandis que les complémentaires santé prendront en charge les pathologies bénignes. C’est un partage des tâches qui est déjà en cours. En rendant la complémentaire santé obligatoire pour tous les salariés, on reconnaît qu’il n’est plus possible d’être bien soigné sans une assurance. C’est avec le concours de ces acteurs privés qu’on pourra augmenter le niveau de financement du système de santé dans les prochaines années. En contrepartie, il faudra que les complémentaires aient leur mot à dire sur les dépenses et l’organisation des soins, en nouant des partenariats avec les prescripteurs de soins.

Comment fixer le prix du médicament innovant ?

Il faudrait différencier le prix et le traitement à délivrer en fonction de la catégorie de patients. Par exemple, pour les personnes atteintes par l’hépatite C, il est efficient de payer plus cher si la maladie est à un stade avancé, car on évitera une cirrhose ou une greffe, qui coûtent encore plus d’argent. Ce système crée certes de la complexité, mais il a de l’avenir. Aujourd’hui, il y a une forme de sélection des malades via l’hospitalisation, puisque certains médicaments ne sont délivrés qu’à l’hôpital. Mais c’est contraire à notre contrat social et c’est inefficace. On traite de plus en plus de pathologies lourdes à domicile, notamment grâce aux « chimiothérapies par la bouche », sous forme de comprimés. Il faut éviter à tout prix le rationnement, qui revient à organiser la déflation et la récession dans le secteur de la santé.

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