La Croix / "Il n’y a aucune raison d’indemniser les taxis"


2 février 2016

L’État doit-il racheter les licences pour indemniser les taxis ? La réponse de Charles-Antoine Schwerer, économiste au cabinet Asterès.

Lire l’entretien sur le site de La Croix.

Si le gouvernement décidait la suppression pure et simple de la licence des taxis, comme en Irlande, alors une indemnisation serait envisageable. Mais le contexte français n’est pas du tout celui-là. L’essor d’Uber et des VTC en général n’a pas fait disparaître les droits spécifiques attachés aux taxis. Ceux-ci gardent le monopole sur la maraude physique, c’est-à-dire la possibilité de prendre des clients à la volée, sans réservation, et le droit de circuler dans les voies de bus.

Sur le plan économique, si l’on considère que la spécificité des taxis doit être conservée, notamment sur la maraude, alors il n’y a aucune raison de supprimer les licences et donc aucune raison de procéder à une indemnisation. D’ailleurs, même si le prix des licences a baissé, il demeure élevé, ce qui montre bien qu’elle garde une utilité économique.

Si la situation s’avère aussi conflictuelle en France, c’est justement parce que les taxis ne profitent pas assez des avantages de leur licence. Contrairement à ce qui se passe à Londres ou à New York, les taxis parisiens pratiquent peu la maraude physique, préférant attendre près des gares ou des aéroports. Ils se retrouvent donc davantage en concurrence avec les VTC que s’ils roulaient dans les rues à la rencontre des clients.

Bien sûr, il est vrai qu’une partie de l’activité des taxis se retrouve concurrencée par les VTC avec la maraude électronique, via les applications. Pour autant, cela ne suffit pas à justifier une indemnisation sauf à engager une mutation totale de notre politique économique. Dans ce cas, l’État devrait en effet aussi racheter les librairies qui subissent la concurrence d’Amazon. Après tout un libraire, tout comme un artisan taxi, a également investi dans un fonds de commerce en pensant que la revente financerait sa retraite.

La situation des taxis s’avère comparable à celles des commerçants de centre-ville. Quand un maire crée une zone commerciale en périphérie, cela déplace une partie de la clientèle. les commerçants qui ont souvent payé très cher leur fond de commerce dans la plus belle rue de la ville sont alors eux aussi victimes de décisions politiques… mais personne n’imagine que la municipalité doivent leur rachète leur droit au bail.

Tant qu’il n’y a pas d’expropriation, il n’y a aucune raison que l’État intervienne financièrement. Puisque les taxis continuent d’exister en conservant leur spécificité, le seul changement de leur environnement concurrentiel ne peut justifier l’ouverture d’un droit à l’indemnisation, même si cela n’empêche pas d’imaginer des mesures sociales pour les quelques chauffeurs surendettés par l’achat de leur licence.

Recueilli par Mathieu Castagnet