Entretien L'Expansion – Sarkozy renie l'auto-entreprise "On a affaire à un personnage incorrigible"


17 mars 2015

Lire l’entretien croisé entre Nicolas Bouzou et Bertrant Martinot sur le site de L’Expasion.

Avez-vous sursauté en entendant Nicolas Sarkozy remettre en cause une mesure phare de son quinquennat?

Bertrand Martinot. C’est évidemment une surprise, mais dans ce cas précis, on est sans doute davantage dans la politique que sur le terrain économique. La question du traitement politique des petits patrons est un sujet éternel. Sans doute a-t-il voulu faire plaisir au lobby artisan, il est d’ailleurs depuis largement revenu sur ses propos.

Nicolas Bouzou. Mon sentiment est qu’on a affaire à un personnage incorrigible. C’est une grande maladie française que de se montrer incapable de stabiliser un tant soit peu nos régimes sociaux et fiscaux. Mais je ne suis pas surpris. Quand on regarde la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy, on s’aperçoit qu’il a été largement consacré à défaire ce qu’avaient été les premières mesures mises en place. Cette instabilité chronique crée une incertitude néfaste pour l’économie et à la fin, on le paye en terme de croissance.

Selon vous, le statut d’auto-entrepreneur est-il une bonne, ou une mauvaise mesure?

B.M. Ce n’est pas une bonne mesure: c’est une excellente mesure! Ce statut ne convient pas à tous, mais il est idéal pour les chômeurs qui souhaitent se relancer et pour ceux qui sont déjà employés, mais ont à coeur de développer un projet, sans prendre le risque de tout lâcher. Dans les deux cas, il participe grandement à relancer l’activité et l’économie. Mais ce n’est pas non plus la solution miracle présentée parfois. Peu de gens ont la fibre entrepreunariale. Le contrat de travail reste la solution principale, mais pourquoi se priver de ce moteur auxiliaire qu’est le statut d’auto-entrepreneur? A propos des artisans, je note que beaucoup y trouvent leur compte en utilisant des auto-entrepreneurs comme sous-traitants.

N.B. Il faut prendre ce statut pour ce qu’il est: un étrier, un sas entre le chômage et l’activité. Il n’est certainement pas une fin en soi. Quant à savoir s’il s’agit d’une bonne mesure, regardez donc à quelle vitesse les auto-entrepreneurs se sont fâchés. Leur virulence et leur réactivité montre bien à quel point il existe aujourd’hui une soif d’entreprendre de la part des Français. C’est à la fois un peu nouveau et très réjouissant.

Peut-il être amélioré pour satisfaire le plus grand nombre?

B.M. La seule limite à ce statut tient effectivement à l’égalité devant l’impôt et au droit de la concurrence. Mais j’y vois plutôt un problème de curseur (sur le niveau de chiffre d’affaires et d’imposition par exemple) qu’une question de principe sur la concurrence déloyale. Si des effets pervers existent, ils peuvent être limités et affinant le cadre de ce statut.

N.B. On peut toujours tout améliorer. Mais dans ce cas précis, il m’aurait semblé plus intelligent de renverser le problème. L’artisanat français est issu du corporatisme qui sévissait sous l’Ancien Régime. Depuis, même si la loi Le Chapelier est passée par là, l’héritage culturel est toujours présent et il constitue encore trop souvent un frein à l’innovation. Sans doute vaudrait-il mieux moderniser l’artisanat en simplifiant sa réglementation, plutôt que de compliquer la vie des auto-entrepreneurs ou en ajoutant de l’incertitude au débat.

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