C’est quand il réformera qu’il faudra soutenir le Président Macron


Macron politique réforme
23 mai 2017

©EnMarche !

Le combat contre le chômage est plus politique qu’intellectuel. En effet, dans ce dossier, tous les aspects techniques ont déjà été traités par les universitaires et les experts depuis plusieurs décennies. On sait que la France souffre surtout d’un chômage dit structurel, c’est-à-dire lié, non pas seulement au manque de croissance, mais au fonctionnement du marché du travail qui agit comme une immense machine à filtrer les individus. Cette machine autorise les meilleurs, les plus diplômés et les plus débrouillards à entrer dans l’emploi. Elle laisse les autres en dehors même si elle leur permet, de temps en temps, d’attraper un CDD ou un contrat d’intérim. Tous ceux qui se sont sérieusement intéressés à ces sujets sont à peu près d’accord sur les actions à entreprendre pour faire baisser ce chômage structurel et tendre vers le plein-emploi : sécuriser les conditions des licenciements individuels et collectifs des salariés en CDI, continuer les allègements de charges, doubler le nombre d’apprentis, augmenter le niveau de la formation professionnelle est en faire davantage bénéficier les chômeurs, mettre en concurrence Pôle Emplois avec des opérateurs privés… La plupart de ces changements sont politiquement révolutionnaires pour une France qui a toujours préféré le chômage à la réforme, mais, techniquement, elles ne sont pas d’une complexité redoutable.

Évidemment, les plus keynésiens jugeront que seule la croissance est efficace pour faire refluer le chômage. Selon eux, il serait préférable de faire une croix sur la réduction des déficits publics pour relancer l’activité plutôt que de flexibiliser le marché du travail, ce qui risquerait d’augmenter la proportion de métiers peu rémunérés. Cette critique des réformes structurelles appelle deux remarques. D’une part, l’endettement public de la France (proche de 100% du PIB) est déjà très lourd. Laisser de côté la réduction des déficits publics revient donc à jouer avec le feu. D’autre part, la relance de la croissance passe elle-même par une libération du marché du travail qui permettra aux entreprises de produire et d’innover davantage. Le lien entre croissance et emploi n’est pas unidirectionnel. Il faut plutôt l’envisager comme une boucle vertueuse.

Tout ceci n’est pas difficile à comprendre. Pourtant, la vérité commande de dire que ce n’est pas l’élection d’Emmanuel Macron et encore moins les ordonnances qui rendront ces réformes populaires. Les électeurs de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen, la CGT et FO, les lycéens manipulés par des professeurs engagés, tous ces gens n’ont pas disparu le 7 mai et restent motivés pour battre le pavé. Comme l’ont montré les enquêtes d’opinion réalisées au moment de la Loi El Khomri, les Français restent majoritairement opposés à la réforme du marché du travail. Reconnaissons aussi qu’Emmanuel Macron a été, pendant la campagne électorale, un peu flou sur ces questions, mettant davantage l’accent sur l’universalité de l’assurance-chômage et la négociation au niveau des entreprises que sur la flexibilité elle-même.

Il s’est trouvé de nombreuses personnes du monde intellectuel et politique pour soutenir Emmanuel Macron ces derniers mois, lorsqu’il devenait certain qu’il allait gagner. Mais c’est dans quelques semaines, au moment où il essaiera de faire passer des réformes impopulaires mais nécessaires pour le pays, qu’il faudra le soutenir sans ciller. Et à ce moment-là, il est possible que nous ne soyons pas nombreux.

Publié dans L‘Express le 17 mai 2017